Retour sur les UX Days - partie 01

Le design d'expérience comme moteur de changement

Ça y est, les UX Days commencent !
Chez Ippon, sur une équipe composée de 12 designers, nous étions 7 à nous rendre à cet événement francophone proposé à Paris.
De mon côté, ça faisait plus de 3 ans que j’espérais m’y rendre… Et je n’ai pas été déçue !

Puisque ce serait très long de revenir sur l’ensemble des deux jours et des douze conférences qui y ont eu lieu, je vous propose un focus sur les 3 conférences qui m’ont le plus plu.


Jeudi 20 juin 2024 - Conférences

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Photo d’une partie de la présentation montrant un téléphone portable avec une application qui contient une carte, et Bastienne qui nous explique qu’à la synthèse vocale on entend simplement “ajustable”.

10h30 - Anatomie d’une quête. À la recherche d’une véritable accessibilité

Édouard LE GALL, Bastienne ASCIONE & Julia SUZUKI

Edouard débute le retour d’expérience avec une anecdote pour nous parler d’accessibilité. On nous parle d’un couple de personnes âgées, dont le mari est aveugle.

Ça y est, nous entrons dans le vif du sujet : à quoi ressemble le numérique pour les personnes qui ont une cécité partielle… Voire totale ?
Pour nous, personnes valides, le “web” est composé d’interfaces graphiques. Ce n’est pas pour rien qu’il existe des Designers d’interface utilisateur (UI).
Pour les aveugles… Le web, ce n’est que du son, puisque les aveugles accèdent aux contenus via un lecteur d’écran qui restitue oralement l’interface.
Et si l’interface sonore est mal conçue, ce sera un parcours du combattant pour eux d’utiliser internet… Et cette complexité leur rappellera leur handicap et les fera souffrir.

Bastienne nous dit que 80% des handicaps sont invisibles, et que 12% de la population française est touchée par le handicap : on parle de handicap reconnu, ça ne concerne pas les handicaps situationnels ou les déficiences.

L’accessibilité numérique, c’est rendre les services digitaux accessibles à tous. Je rajouterais même que c’est construire un monde plus égalitaire.

Bastienne nous parle de G7 (une application mobile), pour qui elle a pu réaliser des tests utilisateurs avec des personnes malvoyantes. Ces personnes utilisent de la synthèse vocale : Voice Over sur iOS, ou Talk Back sur Android.
Ils nous expliquent que sur une interface graphique, il y a de la hiérarchie, des variations, des choses mises en avant et d’autres qui se détachent moins. Avec la synthèse vocale, tout est linéaire : on écoute les choses une à une, et c’est à l’utilisateur de faire le tri dans ce qu’il entend.
Leur défi a été d’apporter la même fluidité d’expérience avec la synthèse vocale qu’avec l’interface graphique.

Avec ces tests utilisateurs réalisés sur une application mobile, ils se sont rendus compte que la plupart des éléments les plus bloquants pouvaient être résolus très facilement. Un grand impact pour très peu d’effort. Souvent, les problématiques reposaient sur une transcription audio.

Julia nous explique que quand on résout un pain point “classique”, nous en tant que designers, on améliore le confort de nos utilisateurs. Quand on s’intéresse aux “pain points” (situations bloquantes) des personnes en situation de handicap, on participe à les rendre autonomes.
Elle nous parle de “Design for Inclusive Experience” : il faut inclure ces personnes dans toutes les étapes du Design Thinking (et du design en général). C’est un effort en termes de logistique mais ça en vaut la peine.

Déjà très sensible à l’accessibilité, j’ai aimé le format de ce retour d’expérience. Le storytelling d’Édouard avec l’anecdote qui a lancé la conférence, les chiffres concrets et les explications de Bastienne sur la manière d’inclure les personnes handicapées dans des tests utilisateurs et l’appui de Julia sur les bienfaits de concevoir (surtout) pour eux m’ont semblé extrêmement pertinent et m’ont donné envie de travailler davantage pour offrir une meilleure expérience à tous.


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Photo de la première diapositive de Manue Marévéry avec une photo d’elle et le titre de sa conférence.

14h - La Belle et la Bête : quand la science vient au secours de la direction artistique

Manue MARÉVÉRY

Manue commence sa conférence avec un superbe storytelling, illustré avec des images de la Belle et la Bête générées par IA. Elle travaille chez Asmodee, un célèbre éditeur de jeux de société : ce thème nous suivra tout au long de sa conférence.

Elle nous explique que les briefs sont souvent très flous, du type :
“Je veux un logo pourpre qui garde l’ADN de la marque, tout en étant moderne, dynamique, séduisant, avec une inspiration vintage.”

Pour éviter que ça reste flou, il y a plusieurs étapes :

  • Co-créer des guides de conception avec des “best practices”.
  • Impliquer les utilisateurs et les équipes dans le développement.
  • Faire de la recherche utilisateur : pour comprendre et argumenter les partis pris.
  • Établir des critères d’évaluation et définir les niveaux à partir desquels on estime si c’est acceptable ou non.

Elle termine son discours en parlant de biométrie, donc faire de l’eye-tracking, utiliser des cartes de chaleur pour analyser les informations corporelles et le fait de prendre le pouls, car les émotions sont du déclaratif et qu’on ne peut pas toujours se baser sur ce que nous disent les utilisateurs. Avec la biométrie, on retourne sur de la science.

Ce n’est pas forcément simple de résumer ce qu’elle nous a dit, donc je vous invite vivement à regarder le replay dès qu’il sera disponible… Parce qu’une chose est sûre : c’était extrêmement pertinent et intéressant. Manue adopte une démarche scientifique pour s’assurer du succès de son travail et garantir la cohérence des jeux de société sur lesquels elle travaille.


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Photo de la première diapositive de la conférence de Mickaël David, avec sa photo et le titre de sa conférence.

15h50 - Le design au service de l’agriculture

Mickaël DAVID

L’introduction de Mickaël est l’une de celles qui m’a le plus marqué, puisqu’il est revenu sur un fondamental : “d’où vient notre nourriture ?”.
On l’oublie souvent, mais ce qu’on mange vient de la terre : les légumes, le blé qui sert à faire de la farine pour ensuite en faire du pain, l’herbe que mangent les vaches pour ensuite être transformées en steaks…

Avec le réchauffement climatique, l’agriculture a besoin d’un climat stable.
C’est ce qui a décidé Mickaël à changer d’angle d’attaque dans son métier de designer, et à rejoindre une société (Agrolig) qui propose un outil aux agriculteurs pour mieux comprendre la composition de leur sol (la terre) afin d’agir pour améliorer leurs rendements.

Son persona est donc tout naturellement un agriculteur. Ses caractéristiques :

  • Majoritairement solitaire;
  • Très dispersé dans le territoire;
  • Soumis aux aléas de la météo;
  • Utilise internet pour la messagerie et la météo;
  • Technophile mais pas trop;
  • Possède une qualité de réseau très faible;
  • Sur Mobile en journée, lorsqu’il est dans les champs, sur un tracteur…;
  • Sur Desktop le soir pour faire sa compta, mais on parle de vieux desktop;
  • Plutôt corporatiste;
  • Il a un vocabulaire métier qu’il faut comprendre et appréhender en tant que designer.

Mickaël nous explique que l’agriculteur passe beaucoup de temps à analyser les sols, et notamment l’analyse de la terre qui est envoyée à des laboratoires qui renvoient un document papier très orienté sur la chimie des éléments.
Après avoir reçu ce document, les agriculteurs doivent se débrouiller pour déchiffrer et savoir quelles actions réaliser pour améliorer l’état de leurs sols.

C’est pourquoi, chez Agrolig, ils ont décidé de digitaliser cette partie-là du parcours de vie d’un agriculteur.

Mickaël nous explique qu’il y a d’abord eu un travail sur la recherche et la compréhension des besoins : ce travail a résulté en un user flow.

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Photo du user & data flow conçu par Mickaël qui détaille le parcours de l’agriculteur, ses touch points avec le laboratoire puis avec le service.

Et avec tout ce qu’il a listé dans son persona, il se rend vite compte qu’il faut être minimaliste dans la conception : des typographies lisibles, pas trop d’informations, de parcours très courts côté front. Il faut que l’agriculteur ait rapidement l’information dont il a besoin, disponible avec de la connexion ou quand il y en a moins, mobile first…

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Visuel illustrant les composants créés par Mickaël dans l’optique d’être “mobile first” et minimaliste. Un titre, une jauge, quelques valeurs (mini, max, acceptable) ainsi qu’un indicateur.

Il y a eu un gros travail des agronomes afin de traduire concrètement les données en conseils pour l’agriculteur.
Mickaël nous a montré des composants très concrets, avec des variations spécifiques, parce que la hausse d’une donnée peut être négative ou positive. Tout dépend des cas.

J’ai beaucoup aimé cette conférence, parce que je l’ai trouvée très concrète et actionnable : il nous a expliqué les méthodologies qu’il a mises en place et la manière dont a été pensée la conception. Grâce à ce travail, Agrolig a pu apporter un service simple et lisible des données dont l’agriculteur a besoin afin de prendre une décision sur laquelle il pourra agir.

Si je suis designer aujourd’hui, c’est parce que j’ai envie de résoudre les problématiques des utilisateurs. D’une certaine façon, j’ai envie de contribuer à changer le monde pour le rendre meilleur… Et je trouve que le travail de Mickaël rentre totalement dans cette voie. Sa conférence était très claire et elle me pousse à me questionner sur la typologie de projets sur lesquels j’ai envie de travailler et de m’investir.


Je vous ai détaillé les 3 conférences qui m’ont le plus plu, mais voici la liste de toutes les conférences auxquelles j’ai participé :

  • Keynote d’ouverture : les secrets des personnes et entreprises les plus créatives, de Aarron Walter.
  • Rendre la recherche utilisateur accessible et itérative en Afrique, de Camille Kramer Courbariaux
  • Pistes et inspirations pour un alter design écologique, de Thomas Thibault.
  • Éco-concevoir un outil métier, bonnes pratiques illustrées, de Anne Faubry.
  • L’intelligence collective au service de l’expérience en établissements de santé : enjeux et défis liés au changement, de Jérémie Cohen.
  • Concevoir pour le Présent, incarnation d’un nouveau paradigme de modélisation des expériences oublié des organisations, de Bertrand Cochet.
  • Design et sciences comportementales, le combo ultime pour faire performer l’action publique, de Renaud Pons.
  • Keynote de clôture : concevoir un rythme humain dans une culture de croissance et de productivité infinies, de Indi Young & Maria Mishchenko.

Certaines conférences m’ont laissé perplexe, parce que je n’ai pas toujours bien compris leur objectif : que voulaient m’apprendre ces gens ? Quelles actions concrètes je peux mettre en place avec ce qu’ils m’ont appris ?
Pour d’autres conférences, je n’ai pas forcément compris le lien entre le cœur de la conférence et leur titre…

Toujours est-il que, dans l’ensemble, je suis ravie par cette journée de conférence. J’ai beaucoup appris et je pense que j’en ressors grandie. Je ne suis pas dans le métier depuis longtemps, j’ai encore un regard neuf sur notre métier et j’ai beaucoup de choses à apprendre… C’est donc une vraie chance pour moi d’avoir pu y assister.
Un grand merci à FLUPA d’avoir organisé cet événement, et à Ippon de nous avoir permis d’y participer.

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Photo de la conférence d’Anne Faubry qui nous explique que l’éco-conception, c’est une bonne UX, de la sobriété et de l’optimisation.

L'article est déjà fort long, je vous donne donc rendez-vous le mercredi 03 juillet pour la suite qui sera dédiée à la journée de vendredi, constituée des ateliers.