Quantitative VS Qualitative : quelle approche adopter en Recherche Utilisateur ?

1. Qu'est-ce que l'UX Design ?

Enterrons dès maintenant les idées reçues sur l’UX Design :
L’UX Design n’est pas le simple fait de poser des post-it et de poser des questions à l’utilisateur.
Ce n’est pas non plus de faire des dessins ou du graphisme.

Décomposons les deux parties de ce terme :

  • UX signifie User Experience.
  • Design signifie Conception.

L’UX Design est donc une discipline qui consiste à concevoir des produits ou des services qui soient orientés vers l’utilisateur, c’est-à-dire des produits ou des services qui font vivre une expérience agréable aux utilisateurs en répondant à leurs besoins.

En se basant sur des règles ergonomiques, de la psychologie cognitive, des sciences comportementales, l’UX Designer essaie de rendre son produit ou son service utile, utilisable, stimulant et émotionnellement attrayant.
Mais l’UX Designer ne s’occupe pas uniquement du moment où l’utilisateur utilise le produit ou le service, non ! L’UX Designer a pour mission de rendre toute l’expérience agréable : avant (points de contact, ce qui pousse l’utilisateur à acheter le produit…), pendant que l’utilisateur utilise le produit ou le service, et après (service après vente, création de nouvelles fonctionnalités…).

Puisqu’un UX Designer travaille dans une entreprise, il doit également faire coïncider les besoins de l’entreprise avec ceux de l’utilisateur.
Et pour mener à bien sa mission, il utilise un ensemble de méthodologies qui lui permettent d’entrer en contact avec l’utilisateur pour en savoir plus sur ses attentes, ses besoins, ses frustrations mais également ses interactions avec le produit ou le service.

C’est la User Research.


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2. Qu’est-ce que la User Research ?

User Research signifie Recherche Utilisateur. La User Research fait partie du travail de l’UX Designer, mais peut également être la composante principale du travail de l’UX Researcher, spécialiste de la recherche utilisateur.

La User Research fait partie du processus de conception (UX Design). Il s’agit également de la première phase de la méthode du Design Thinking, puisqu’elle permet de rentrer en empathie avec l’utilisateur.

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La User Research est un ensemble de méthodologies qui permettent de comprendre les comportements, les ressentis et tout ce qui concerne l’utilisateur au sens large. Cet ensemble de méthodologies s’intéresse également à ses interactions avec un produit ou un service.

"Il y a énormément de façons de faire de la recherche utilisateur, et on peut le faire pour plein de raisons différentes, que ce soit de l’exploratoire pour essayer de comprendre les contextes d’utilisation d’un produit, qui seront les utilisateurs potentiels, ou évaluatifs pour recueillir du feedback, savoir à quel point le produit est utilisé."
Noémi Bourgois, UX Researcher chez Ippon Technologies Lille.

Les méthodologies sont divisées en deux types : qualitatives et quantitatives.


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3. Données qualitatives ou quantitatives : que faut-il préférer ?

Données qualitatives

Les données qualitatives permettent de mieux comprendre le “pourquoi” et le “comment”, c’est-à-dire les pensées, les motivations et les comportements des utilisateurs mais aussi et surtout comment l’utilisateur réalise ses tâches, comment il utilise le produit. Elles sont obtenues par des méthodologies comme les observations, les entretiens utilisateurs, ou encore les tests utilisateurs modérés.
Elles sont essentiellement utilisées pour recueillir les perceptions des utilisateurs ou explorer certaines idées.

Ces méthodologies sont souvent réalisées en sessions individuelles, mais peuvent accueillir un nombre de participants entre 2 et 8 maximum. Le fait que ces sessions soient en petit comité permet de creuser certains points, puisqu’il est possible pour l’UX Designer de discuter directement avec les participants. Ces sessions durent en moyenne 45min à 1h, mais peuvent durer jusqu’à 2 ou 3h pour les focus groups par exemple.

Puisqu’il s’agit bien souvent de discussions, les données sont interprétées par l’UX Designer et restituées de façon subjective. Elles sont d’ailleurs souvent exprimées avec des mots, et illustrées par des citations des utilisateurs, mais peuvent parfois prendre la forme de supports vidéo et audio.
Ces données ne sont pas mesurables statistiquement.
Pour autant, selon Nielsen Norman Group, une étude qualitative couvre environ 85% des problèmes d’utilisation avec uniquement 5 utilisateurs.*

Données quantitatives

Les données quantitatives permettent de répondre aux questions “quoi”, “où” et “quand”. Elles permettent de prouver ou de démontrer des faits, et sont obtenues avec des méthodologies comme la collecte d’analytics, l’A/B testing ou encore les Heatmaps.
Il s’agit de données objectives, qui peuvent être utilisées afin de tester une hypothèse ou une solution finale.

Ce qu’il est important de noter, c’est que ces données sont chiffrées. Elles permettent de réaliser des statistiques puisqu’on observe les comportements d’un large échantillon d’utilisateurs.
L’UX Designer n’est pas présent avec l’utilisateur, c’est pourquoi il est passif vis-à-vis des données récoltées.
Les données quantitatives, puisque basées sur des valeurs numériques, permettent de faire des comparaisons, de définir des KPIs (Key Performance Indicators : indicateurs clés de performance) et de calculer un ROI (Return on Investment : Retour sur Investissement).

On utilisera davantage les données quantitatives à la fin d’un projet, ou pour mesurer la satisfaction d’un produit ou d’un service déjà utilisé depuis un bon moment afin d’en proposer une refonte par exemple.

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Mais alors, on fait des méthodologies qualitatives ou quantitatives ?

Il n’y a aucun besoin de choisir : les deux typologies de données sont importantes et complémentaires.
Après avoir récolté des données quantitatives, il est souvent nécessaire d’utiliser des méthodologies qualitatives pour comprendre l’origine des valeurs obtenues.

Qui plus est, si l’on suit la méthode du Design Thinking, la typologie des données récoltées et les méthodologies utilisées varieront selon la phase dans laquelle on se trouve.
Par exemple, pour entrer en empathie avec l’utilisateur, on aura davantage tendance à utiliser des méthodologies qualitatives.
À contrario, pour tester une solution, on pourra vouloir utiliser des tests utilisateurs non modérés pour avoir un grand nombre de données, notamment si on souhaite améliorer un KPI en particulier (taux de clics, taux de complétion d’une tâche…).

En réalité, donc, peu importe le type de données que l’on souhaite récolter : tout dépendra du projet, des objectifs de la recherche et des ressources disponibles. Ce qui compte, c’est de faire de la User Research tout au long du projet.
Ce que vous choisirez dépend de vous : il n’y a aucune formule magique !


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4. Quelques méthodologies permettant de faire de la User Research

Pour obtenir des données qualitatives

  • Les observations permettent d’observer l’utilisateur en train de réaliser une tâche ou une activité, et ainsi de voir ses interactions avec un produit ou un service. Il est important pour l’UX Designer de rester neutre, donc de ne pas interpréter les faits et gestes de l’utilisateur, d’écouter ses paroles et de noter les détails.

  • Les entretiens utilisateurs permettent de comprendre les besoins, les attentes et les frustrations des utilisateurs. Il s’agit d’une discussion entre l’UX Designer et l’utilisateur, constituée de questions ouvertes qui permettent de creuser les différents sujets. Un guide d’entretien est réalisé en amont par l’UX Designer pour anticiper les questions qu’il doit poser.

  • Les tests utilisateurs modérés permettent de tester le produit dans une session dédiée, où l’UX Designer peut observer et poser des questions à l’utilisateur en train d’utiliser le produit. Les tests modérés permettent de voir les problèmes rencontrés et de poser des questions directement aux utilisateurs pour creuser les différents scénarios testés.

Pour obtenir des données quantitatives

  • La collecte d'analytics permet de définir des métriques que l’on suivra, comme le taux de clics, le taux de conversion (nombre de personnes qui mettent un produit au panier et qui finissent l’acte d’achat par exemple), ou encore le taux de rebond (nombre de personnes qui quittent la page) par exemple.
    Imaginons un taux de rebond est très élevé sur une page Produit. L’UX Designer pourra interroger des utilisateurs en menant des entretiens, par exemple, afin de déterminer pourquoi les utilisateurs quittent la page sans ajouter le produit dans leur panier.

  • Les A/B tests, plus complexes et coûteux en termes de développement, permettent de comparer les performances de deux designs ou plus. On pourra, comme Netflix, tenter de voir quelle vignette de film ou de série fonctionne le mieux en fonction du taux de clic. Si la vignette A est plus cliquée que la vignette B, alors on gardera uniquement la vignette A. Cette méthode nécessite de faire deux développements, mais elle est en général ciblée sur un seul élément de la page : un bouton, une image…

  • Les Heatmaps, ou Cartes de chaleur permettent de visualiser les endroits les plus cliqués par l’utilisateur. On représentera les zones les plus cliquées en rouge, et les zones moins cliquées (froides) en bleu, comme sur des cartes thermiques. Hotjar est un très bon outil qui permet, entre autres, de voir des heatmaps de son produit.


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5. Pourquoi faire de la User Research ?

Nous l’avons vu, le but de l’UX Design est d’améliorer l’expérience utilisateur.
Et en réalité, l’UX Design n’est pas un nouveau métier : on a toujours testé l’appétence des utilisateurs et l’utilisabilité des produits avant de les mettre sur le marché. On transfère juste toute cette méthodologie à des interfaces numériques.

Pour proposer une meilleure expérience à l’utilisateur, il faut le connaître. On ne peut pas se baser sur nos hypothèses : en effet, les personnes qui travaillent sur le produit ou le service sont biaisés parce qu’ils le connaissent et pensent donc qu’il est facile à utiliser. Eh oui, ils l’ont conçu !

"On fait de la recherche dès le début d’un projet. [...] Si on ne fait pas de la recherche, ce qu’on fait c’est supposer des choses qui peuvent nous amener à imaginer des solutions qui ne servent à rien. [...] On fait de la recherche tout au long du processus de Design."
Marzia Benito, UX Designer chez Ippon Technologies Lyon.

Par exemple, un Product Owner ou un Designer peut se dire qu’un mot pour représenter une catégorie de navigation est suffisamment clair. Pour autant, un utilisateur pourrait s’arrêter dessus et ne pas forcément comprendre ce que l’équipe de conception avait prévu, et donc s’arrêter dans son parcours.
C’est la même chose avec la structure du site qui peut être très claire pour les concepteurs, mais totalement fouillie pour les utilisateurs.
Cela peut affecter leur expérience et la dégrader.

La dégradation ou l’amélioration de l’expérience peuvent avoir une incidence puissante sur la perception de la marque, et donc sur son chiffre d’affaires.
La preuve sociale, c’est-à-dire le fait de donner son avis, est un élément très puissant. Des utilisateurs frustrés et mécontents s’exprimeront plus facilement que des utilisateurs satisfaits, faisant baisser le NPS (Net Promoter Score : pourcentage de clients qui évaluent la possibilité de recommander une entreprise, un produit ou un service à un ami ou à un collègue. Note de 0 à 10.)

Qui plus est, outre la preuve sociale, faire de la User Research comporte de nombreux avantages. Elle permet :

  • D’économiser de l’argent : en décelant les problèmes avant qu’ils ne soient développés et mis en ligne, on économise du temps et de l’argent puisque les ressources peuvent travailler sur d’autres sujets.
  • De réduire les biais cognitifs : on ne se base pas uniquement sur nos idées préconçues. On s’assure ainsi de répondre à des besoins et des problèmes réels.
  • De prendre les bonnes décisions : grâce à des statistiques et des extraits vidéo ou audio, les décideurs seront plus à même de décider de la marche à suivre. Ce n’est pas “juste” l’intuition de l’UX Designer : c’est prouvé.
  • De se focaliser sur des solutions qui apportent une réelle valeur ajoutée : on évite de développer des fonctionnalités qui ne seront pas utilisées par les utilisateurs.

Mais pour bien faire de la recherche, il ne faut pas uniquement demander son avis à l’utilisateur : il faut analyser et synthétiser les résultats afin de faire les recommandations adaptées.

Et comme le dit si bien Jakob Nielsen :

Ne basez pas vos décisions de conception sur ce que les clients disent. Vous devez observer leur comportement pour formuler des pistes valides pouvant orienter votre produit vers une meilleure expérience utilisateur et un meilleur succès commercial.

En effet, les utilisateurs ont souvent tendance à vouloir nous dire ce qu’on veut entendre. En les regardant faire des tâches spécifiques qu’ils feraient s’ils possédaient réellement le produit ou le service, on s’assure qu’ils arrivent à l’utiliser. Sinon, ce sont juste des suppositions !
On est tous humains après tout.


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Ouverture

Les produits numériques ont tous un impact énergétique : plus on conçoit, plus on utilise de serveurs pour stocker les données.
En testant et en réduisant les produits à leurs fonctionnalités principales, celles dont les utilisateurs ont réellement besoin, on s’assure de ne pas utiliser de l’énergie inutilement.

Il existe également d’autres moyens de réduire sa consommation énergétique, notamment en réduisant le poids des images et en évitant de saturer son produit numérique avec des vidéos.
L’éco-conception étant un vaste sujet, je ne préfère pas le détailler dans cet article.
Dans les sources, vous pourrez trouver un article très complet qui traite de la question si le sujet vous intéresse.


Sources

Éco-conception numérique :
https://eco-conception.designersethiques.org/guide/fr/


Margaux Membré, UI Designer chez Ippon Technologies Lille.