La GreenTech rassemble les acteurs de l’innovation au service de la transition écologique. Cette définition est très large, puisqu’on y retrouve des startups qui proposent de nouveaux modes de recyclage, des fournisseurs de plateformes web de mesure d’impact carbone ou encore des fabricants d’emballages réutilisables. À Francfort se tient l’Impact Festival, un salon dédié à la GreenTech.
J’ai eu la chance d’y participer cette année les 5 et 6 octobre. C’est mon premier événement de ce type et ce n’est pas directement lié à mon métier de développeur mobile, alors merci Ippon de m’y avoir emmené ;-)
Organisation et venue au festival
Je suis basé à Nantes. Sur une carte, voilà ce que ça donne entre Nantes et Francfort :
Plusieurs moyens de transport étaient envisageables. La marche, bien que vertueuse, m’aurait obligé à partir très en avance. :D
Cependant, il était hors de question pour moi de prendre l’avion. Encore moins pour aller à un festival consacré à la transition écologique.
Dans notre cas, le train était rapide, mais surtout beaucoup plus écologique et confortable que l’avion ;-) Pourquoi faut-il tendre vers l’arrêt de l’avion? Plus d’infos ici.
Entre 8h et 8h30, voilà ce que demandait un trajet avec une correspondance à Strasbourg de Nantes à Francfort ! L’Impact Festival ne se déroulait pas à Francfort même, mais à Offenbach, une ville de sa banlieue proche. L’occasion de découvrir les rives du Main, fleuve qui traverse l’agglomération.
Découverte du lieu
Le salon se décomposait en deux halls où les exposants ont leurs stands. Parmi eux, des startups, des entreprises d’investissement et des banques. Ils prirent place dans un lieu industriel verdi tantôt par des plantes, tantôt par les jeux de lumières vertes et autres affiches du festival.
De même qu’au Devfest Nantes, la partie stand était complétée par une première scène, la scène principale. C’est ici que se tenaient les keynotes et tables rondes.
Plusieurs salles étaient réservées pour des Masterclasses, des sessions en petits groupes animées par un spécialiste autour d’une thématique donnée (IoT for sustainability, Eco Mobility etc.).
Enfin, l’Innovation Stage était une scène un peu particulière puisqu’elle accueillait les pitches de dizaines de startups. Devant un jury de 3 personnes et quelques dizaines de spectateurs, fondateurs, ingénieurs et responsables d’innovation se succédaient afin de présenter leur solution business pour répondre aux enjeux de la transition écologique. J’ai adoré, puisque c’était comme être dans le public du Dragon's Den, ou dans celui de son pendant français Qui veut être mon associé ? !
Maintenant, je vais vous faire un résumé des conférences que j’ai préférées. Bien sûr, les analyses que j’en fais n’engagent que moi :-)
Sélection des conférences du jour 1
Saving the World in Style: Hi-Tech Meets No-Tech par Prof. Dr. h.c. Hans Joachim Schellnhuber
Dans cette conférence, Hans Joachim commence par nous rappeler que malgré les effets d’annonce, la tendance actuelle du réchauffement climatique est en désaccord avec les Accords de Paris. Ceux-ci prévoyaient de limiter le réchauffement à moins de +2 degrés. De préférence +1,5 :-)
Ensuite, il nous rappelle quels sont les principaux points de bascule liés au réchauffement climatique :
source: Hans Joachim Schellnhuber
Un point de bascule climatique correspond à un seuil qui, une fois franchi, provoque des changements irréversibles. Je trouve que ce sujet est assez peu traité dans les médias aujourd’hui. On pense tout de même à la fonte de la banquise ou à celle du permafrost. Mais le schéma ci-dessus indique malheureusement que ce ne sont pas les seuls points de bascule. D’ailleurs, il y a souvent un double effet avec un tel franchissement : l’accélération du réchauffement climatique. Un cercle vicieux.
Bien sûr, pour compléter le tout, ce n’est pas uniquement au franchissement que les phénomènes extrêmes commencent à se développer.
source: Hans Joachim Schellnhuber
On observe par exemple une corrélation entre l’augmentation de la température moyenne et l’apparition plus fréquente de “super” El Niños, et donc de cyclones tropicaux.
source: Hans Joachim Schellnhuber
Si l’on se réfère aux tendances du réchauffement climatique, la première courbe, business as usual, montre les prévisions si nous ne changeons pas notre manière de faire du business. La seconde présente la tendance en cas d’overshoot. Un overshoot impliquerait que nous commencions par dépasser les +1,5 degrés pendant une période plutôt longue (de l’ordre de plusieurs dizaines d’années), avant d’inverser la courbe. Bien sûr, cela nécessite que nous changions nos approches. L’overshoot fait débat au sein de la communauté scientifique puisqu’envisager de dépasser les 1,5 degrés pendant plusieurs dizaines d’années pourrait déjà avoir des conséquences terribles.
Une explication désormais admise est que le changement climatique provient des émissions de gaz à effet de serre liées à l’activité humaine. On pensera à Jean Jouzel, éminent climatologue français, qui l’a démontré. Mais d’où proviennent-elles?
source: Hans Joachim Schellnhuber
En fait, si le béton et l’acier étaient des pays, ils se placeraient dans le top des plus gros émetteurs de carbone. C’est pendant leur production que ces émissions interviennent. Pourquoi ?
Tout d’abord, les villes d’aujourd’hui sont extrêmement minérales.
source: Hans Joachim Schellnhuber
D’une part, on s’appuie sur les matériaux cités précédemment pour construire nos bâtiments. D’autre part, ils remplacent des zones qui pourraient être végétalisées, ou laissées à leur état naturel (par exemple, ne pas goudronner les espaces piétons entre deux immeubles).
Hans Joachim propose au contraire de replacer les matériaux naturels au centre de la chaîne de construction :
source: Hans Joachim Schellnhuber
Ce cercle vertueux a pour but d’une part de se baser sur des matériaux que nous sommes capables de régénérer plutôt que d’en extraire. Et ensuite d’avoir un ratio séquestration / génération de carbone positif par rapport aux méthodes actuelles de construction.
Comment le mettre en place ?
- Il faudrait planter 500 milliards d’arbres.
- Construire 2 milliards de logements en utilisant des matériaux provenant de la culture de cette biomasse.
À mon avis, c’est là où le projet se complique. Déjà, il faudrait garantir la protection des forêts existantes. En effet, il faudrait se coordonner à l’échelle mondiale pour avoir des cultures durables (et intelligentes). Les forêts artificielles monospécifiques sont moins résilientes. Ensuite, la construction d’autant de logements se ferait sur plusieurs dizaines d’années. A-t-on le temps d’attendre ? D’ailleurs, l’acheminement et la transformation des matériaux nécessitent aussi de l’énergie, et donc est source d’émission.
On peut ensuite se demander si présenter un graphique (le diagramme plus haut qui place l’acier et le béton vis-à-vis des états) sans comparaison avec l’industrie du bois en termes d’émissions a vraiment du sens. On peut aussi se demander si comparer les émissions d’un pays avec l’ensemble d’une industrie est pertinent. Il manque malheureusement certains points pour se faire un avis éclairé sur l’ensemble de la question. La démonstration semble incomplète. Tout ce qui semble être sûr, c’est que les industries citées sont très émettrices.
La présentation se termine sur la mise en lumière de structures qui se thermorégulent toutes seules :
source: Hans Joachim Schellnhuber
Les termitières illustrent parfaitement ce qu’est une structure qui régule sa température efficacement en pleine savane. La structure sous forme de cheminée ventile l’intérieur du nid, fournissant fraîcheur à ses habitants, malgré des températures pouvant dépasser les 40 degrés en pleine journée.
L’homme s’est inspiré entre autres de ces structures pour créer des bâtiments à thermorégulation passive. On pourrait croire que ces notions NoTech sont nouvelles. Mais nous avons des exemples datant de plusieurs millénaires de systèmes similaires, comme les Wind Towers en Iran :
source: Hans Joachim Schellnhuber
Merci de nous avoir rappelé que la NoTech a son rôle à jouer dans la transition écologique !
Circular Economy Transition – A bumpy road? par Helge Adomeit, Christina Jäger,Lydia Neuhuber et Leonhard Nima
Pour une définition de l’économie circulaire, je vous redirige vers la définition du ministère de l’écologie.
4 personnes se sont réunies pour une table ronde autour de l’économie circulaire. J’ai relevé plusieurs axes principaux :
L’économie circulaire est End to End (from Design to Usage)
Réfléchir à comment le produit s’intègre dans l’économie circulaire ne se fait pas qu’à la fin lorsqu’il est utilisé. Il faut y réfléchir à chaque étape du développement, en particulier au début (inclusion des acteurs, réversibilité des choix etc.).
Dans le cas où le produit est déjà en utilisation, il faut l’améliorer de manière incrémentale (#agilité :D). L’important dans ce cas est plutôt de savoir par où commencer. Pour cela, il convient de mesurer quel est l’impact du produit de sa fabrication à son utilisation.
source: wikipedia
Transparence et honnêteté vs Greenwashing
Vis-à-vis de ce qui est dit plus haut, il faut être honnête sur les conséquences négatives de son produit. Pour ne pas tomber facilement dans du greenwashing, il vaut mieux indiquer que l’entreprise est inscrite dans une démarche de réduction de son empreinte carbone plutôt qu’affirmer qu’elle est (sera) “neutre en CO2”. J’ai volontairement mis ce terme entre guillemets parce qu’il est trop galvaudé. D’ailleurs, le public est de plus en plus averti, et l’impact négatif sur l’image de marque une fois “démasquée” dessert plus qu’autre chose. Il y a aussi encore un réel manque de connaissance et de formation en ce qui concerne les impacts environnementaux des produits. Par exemple, utiliser de l’hydrogène comme carburant en affirmant que l’impact CO2 est nul alors qu’il faut de l’énergie pour le produire. Même dans le cadre d’hydrogène “vert”, c'est-à-dire l’hydrogène produit à partir d’énergies renouvelables, l’acheminement et la production de l’électricité nécessitent aussi des matériaux (métaux, combustibles fossiles), ce qui n’est pas neutre.
J’aborderai à nouveau le sujet dans le cadre d’un autre résumé sur la neutralité carbone :-)
Green deal challenges for corporates: with transparency and efficiency gains on the pathway to Net Zero par Edouard Blin, Wilhelm Hammes, Nils Mienefeld et Maiko Schaffrath
source: halteobsolescence.org
Cette table ronde a mis en avant les challenges pour les entreprises vis-à-vis du Green Deal. À nouveau, mesurer son empreinte carbone (via des plateformes dédiées comme climateseed) apparaît comme la première étape de sa transition. Les intervenants nous ont aussi invités à définir des cibles, malgré parfois une difficulté d’implémentation. Par exemple, un système d’OKR peut être utilisé pour initier et suivre une démarche de transition.
Il a aussi été mis en exergue que le prix de l’énergie ne devrait pas être un frein mais plutôt un moteur pour encourager sa transition. En effet, il est extrêmement probable qu’il continue de grimper. Anticiper cela, c’est déjà se distinguer sur le marché mais également augmenter la résilience de son entreprise.
La suite de la discussion a porté sur les sources de changement en faveur de la transition :
- La régulation (lois par exemple). C’est le système le plus fort mais le plus compliqué à obtenir (délais - opinion publique - volonté politique).
- Les employés. Une autre table ronde a discuté des initiatives top down vs bottom up pour initier une transition. Il est apparu que des exemples existent dans les deux situations.
- Les investisseurs. Que ce soit via des emprunts ou d’autres formes d’investissement, de plus en plus de capitaux sont ouverts sous réserve d’engagements / de mesure de son empreinte carbone.
- Le marché. Les entreprises et les consommateurs sont de plus en plus alertes, formés et en demande sur le sujet vis-à-vis de leurs fournisseurs.
Sur ce dernier point, l’un des piliers de la réduction de son empreinte carbone est l’engagement de toute sa chaîne de valeur. En d’autres termes, engager ses fournisseurs pour qu’eux-mêmes réduisent leurs émissions. Même si la pratique est encore minoritaire, certains fournisseurs peuvent aujourd’hui se faire disqualifier s’ils ne mesurent pas / ne correspondent pas suffisamment aux enjeux environnementaux de l’entreprise cliente.
En informatique, nous sommes encore peu attendus sur ce sujet mais la pratique tend aussi à se développer, par exemple en demandant des certificats de sobriété numérique comme ceux fournis par Greenspector.
D’ailleurs, la conférence parle aussi d’un sujet qui devrait plus nous toucher, professionnels de l’IT, aujourd’hui : choisir d’éviter voire de supprimer certains projets à externalités négatives. L’informatique est régulièrement utilisée à tort, sous forme de technosolutionnisme. Je crois que nous avons aussi notre rôle à jouer de ce côté.
When Water is not just Water, but Medicine par Dr. Hamed Beheshti
Une conférence passionnante sur les défis de l’eau potable, qui nous touche encore peu (mais de plus en plus) en tant que français.
Le constat : l’accès à l’eau potable est un défi clé pour le milieu hospitalier dans l’Afrique de l’Est. Tout d’abord, les ressources en eau potable y sont limitées (climat, répartition des fleuves et qualité de l’eau etc.). L’eau utilisable pour soigner nécessite un cahier des charges encore plus strict. Une solution est la désalinisation de l’eau de mer. En pratique, les hôpitaux dépendent énormément des énergies fossiles pour alimenter des générateurs qui s’en chargent. Sans parler de l’impact écologique, le coût est énorme ! En plus de cela, les systèmes de désalinisation requièrent des outils et du personnel qualifiés pour les opérer et les maintenir. Finalement, c’est souvent aux familles que revient la charge d’apporter l’eau nécessaire aux soins du membre hospitalisé.
Le Dr Hamed Behshti a fondé une startup, Boreal Light GmbH, dont la mission est de fournir un système de désalinisation économique, facile à maintenir et à installer.
Premièrement, 80% de la maintenance se fait juste avec un tournevis et une clé à molette. Ensuite, le système se base sur les panneaux solaires pour produire son électricité :
source: Dr. Hamed Beheshti
Bien sûr, l’eau peut servir pour les hôpitaux, mais aussi pour les cultures et fermes aquacoles :
source: Dr. Hamed Beheshti
Ces usines ont permis de réduire drastiquement les coûts exorbitants de l’eau. Auparavant, il fallait payer entre 23€ et 156€ pour 10000L d’eau livrée par camion citerne. 200 euros pour 1000L d’eau potable (sans camion citerne). Avec le système du Dr Hamed Beheshti, il n’y a plus besoin de livraison, et le coût est de seulement 0,5€ pour 1000L d’eau potable.
Aujourd’hui, le système est déployé dans plusieurs dizaines d’hôpitaux et a permis la création de nombreux emplois. En conclusion, le Dr Hamed Behshti nous indique que le défi de l’accès à l’eau était décentralisé. Pour ce type de défi, il faut une solution décentralisée ET intégrée. Dans cette analyse de cas, une usine géante de désalinisation n’aurait pas pu fonctionner. Elle aurait été trop chère, trop longue à développer et construire, et peut-être même pas assez efficace (on pensera par exemple au transport de l’eau). Ce principe de petits incréments et itérations vous fera sûrement penser à l’agilité ;-)
Sélection des conférences du jour 2
Patagonia: Lessons learned and best practices, par Beth Thoren
Pendant le deuxième jour, nous avons eu la chance d’avoir une présentation de la directrice de l’action environnementale de Patagonia. Si ce nom ne vous est pas familier, cette marque de vêtements (entre autres) est connue pour tous ses engagements en matière de durabilité et d’environnement. Dernièrement, elle a fait parler d’elle puisque son fondateur Yvon Chouinard a fait “don de l’entreprise à l’environnement” pour mieux le protéger. On parle tout de même d’une société valorisée à plus de 3 milliards de dollars :-)
Le talk était en fait une interview de Beth, en particulier sur le cheminement de la marque vers une production plus vertueuse de leurs produits. Elle nous explique que l’entreprise s’est construite autour de la transparence sur l’impact environnemental de leur production. Traçabilité, connaissance des fournisseurs, mesure de l’empreinte etc. Ce principe aide à identifier les actions pour optimiser les processus, mais aussi pour se sentir libre de proposer des alternatives. Aujourd’hui cependant, l’un des maillons de la chaîne reste un énorme problème : toute la chaîne logistique est fortement carbonée.
Parallèlement, Patagonia a instauré dans chaque fiche de poste, dans chaque rôle, des notions de développement durable. Ainsi, chacun et chacune est responsable de son impact écologique.
J’ai beaucoup aimé qu’une dirigeante d’entreprise en plein essor dise que le seul moyen que Patagonia réduise vraiment son impact environnemental est de moins vendre. Littéralement, elle a dit que “Chaque veste vendue est un problème”. C’est un discours qui devrait être à mon avis dans l’ère du temps plutôt qu’en avance au regard de nos problématiques climatiques. Le business n’est d’ailleurs pas pour autant sacrifié puisque Patagonia propose des programmes de réparations d'articles pour prolonger leur durée de vie. En revanche, l’entreprise n’est pas encore rendue à par exemple limiter le nombre d’articles produits et vendus chaque année :-)
En résumé : une super conférence plutôt à contre-courant vis-à-vis du discours des entreprises de son marché !
Beyond sustainability: how must business models change towards regenerativity? par Prof. Dr. Stephan Hankammer
Replay ici (première partie de la vidéo)
La conférence commence avec un constat du “succès” de notre économie : depuis le milieu du XXème siècle, la richesse produite (avec les outils classiques de mesure) a été décuplée, le tourisme a explosé et nos télécommunications aussi :
source: Prof. Dr. Stephan Hankammer
Le hic, c’est que cela s’est fait sur la base d’une consommation énorme d’énergie primaire, principalement sous la forme de charbon, gaz et pétrole.
Malheureusement, cette croissance de notre économie ne s’est pas faite sans conséquences : émissions de gaz carbonique, dégradation de la biosphère terrestre, augmentation de la température et acidification des océans (ce ne sont que certains exemples :-)).
source: Prof. Dr. Stephan Hankammer
Bien sûr, cela a conduit à un environnement de plus en plus risqué et instable :
source: Prof. Dr. Stephan Hankammer
On repensera aux canicules de cet été, en avance de plusieurs dizaines d’années en France vis-à-vis de certaines projections météorologiques, aux inondations au Pakistan qui ont déplacé des dizaines de millions de personnes et j’en passe…
Le constat, c’est que cela fait déjà plusieurs dizaines d’années que nous parlons de développement durable et des limites à la croissance. Je rajouterais à ce propos que nous n’intégrons toujours (quasiment) pas les ressources naturelles et la biodiversité dans nos calculs de production de richesse. La visée est essentiellement court-termiste et la nature est vue comme une source de profits.
Aujourd’hui, on observe donc naturellement une déconnexion entre l’activité des entreprises et l’état global de l’environnement / de la société ; on va vers le franchissement de plus en plus de limites environnementales. On peut parler alors de business “dégénératif”.
source: Prof. Dr. Stephan Hankammer
La question est : comment aller vers un business qui serait a contrario régénératif ?
source: Prof. Dr. Stephan Hankammer
Je pense que c’est le premier moment clé de la présentation et du parallèle que nous pouvons faire avec l’IT. Aujourd’hui, nombre d’entreprises disent que leurs produits sont “green”. En réalité, ils sont plutôt “greener” (plus durables). En effet, bien que leur impact négatif soit moindre, il existe encore. Le fameux “Net Zero” est atteint au niveau de l’origine du repère cartésien dans la capture ci-dessus. Le second moment clé arrive juste après avec une analogie magnifique : “When you have fever, would you be satisfied if your doctor says that you will take medicine but that fever will stay the same?” (Quand vous avez de la fièvre, seriez-vous satisfait que votre docteur vous indique que vous allez prendre des médicaments mais que votre fièvre restera stable ?). Probablement pas ! Aujourd’hui la Terre est malade et l’idée est de la régénérer. On parle de business régénératif.
On y distingue deux axes :
- La possibilité de se régénérer lorsque son écosystème est détruit (par exemple : gérer des forêts durablement pour faire des planches).
- Penser comment protéger, restaurer, reconstituer les capitaux humains et les ressources naturelles.
Ce que proposait le Dr Stephan Hankammer, c’était de changer les questions que l’on se pose lorsqu’on conçoit son business :
source: Prof. Dr. Stephan Hankammer
Est-ce que c’est un vœu pieux ? Je ne suis pas sûr, dans le sens où cela améliorerait la résilience de notre organisation d’intégrer ces problématiques.
Je pense d’ailleurs qu’il y a une réelle mise en perspective à faire avec ce que nous appelons aujourd’hui “Green IT”. Je n’ai pas l’impression que nous soyons à l’équilibre, encore moins dans un “regenerative business”. Le risque, c’est plutôt que nous tombions dans la facilité du “green” dégénératif. Aujourd’hui, je pense que “GreenER IT” aurait plus de sens (une informatique plus verte). Comment l’informatique peut-elle devenir régénérative ? Je n’ai pas forcément de réponse aujourd’hui. Nous sommes une industrie qui dépend largement de l’extraction minière… et je vois mal comment régénérer cela. J’ai l’impression cependant que nous avons une réelle carte à jouer sur la sélection de projets à impact positif (social, environnemental etc.). Mais là se pose une autre question, encore plus pour une entreprise de service comme la nôtre : comment exclure des projets à impacts négatifs ? Des clients qui basent leur business dessus ? Comment dénoncer les gaspillages ? Le tout en trouvant un équilibre du business ?
How to start a revolution: why don't we act although we know everything about the climate crisis? par le Dr Wolfgang Gründinger
Ceci est la dernière conférence que j’ai sélectionnée. Elle attaquait à bras le corps cette sorte d’effet témoin dont nous sommes quasiment tous affectés : bien que nous soyons au courant du changement climatique, bien que nous en subissions déjà les conséquences, notre action n’est pas à la hauteur des défis qui nous font face.
Pourquoi ? Cela se résume en un slide :
source : Dr Wolfgang Gründinger
L’ensemble de la transition écologique est extrêmement complexe, coûteuse et engageante.
Tout d’abord, installer un système photovoltaïque coûte plusieurs dizaines de milliers d’euros. En comparaison, il est souvent vu comme plus utile / plus valorisant socialement d’acheter une voiture neuve qui serait dans la même gamme de prix.
À côté de cela, on regarde les effets du changement climatique d’assez loin. On a l’impression que ce n’est pas urgent, que les phénomènes sont exceptionnels. On a largement entendu des phrases comme “la canicule de cet été est déjà arrivée au XXème siècle, donc rien de nouveau”.
En plus de cela, il y a un déficit de formation et d'information sur tous les enjeux climatiques.
Résultat : une faible confiance dans l’information sur le climat, et dans notre cas sur les panneaux photovoltaïques. C’est pour cela que Le Dr Gründinger parle de ratio forte implication / peu d’intérêt.
Si on prend même encore un peu plus de hauteur, transitionner vers le photovoltaïque pose d’autres questions de souveraineté et d’impact carbone sur toute la chaîne de production. En effet, réduire notre dépendance aux énergies fossiles est primordial. Mais il existe aujourd’hui bien plus de producteurs d’énergies fossiles que de pays fournisseurs de terres rares et de minerais, les composants essentiels des panneaux photovoltaïques. En y regardant de plus près, la Chine est aujourd’hui le fournisseur principal de ces matières premières, et aussi le constructeur numéro un des panneaux (bien que la diversification des fournisseurs est possible). Nous entendons par exemple en ce moment que réduire notre dépendance au pétrole, c’est lutter contre certains régimes autoritaires. Est-ce que remplacer cette dépendance par une autre, envers la Chine, est mieux ? Je vous laisserai décider ;-) Rappelons aussi qu’une partie de la production de ces panneaux photovoltaïques est faite dans le Xinjiang, terre des Ouïghours. Vis-à-vis de l’impact carbone, faire venir des panneaux d’Asie interroge. On peut aussi s’interroger sur la production effective (absence de soleil, ou trop de soleil) et son impact sur le réseau électrique (sous-production / surproduction). Il faut alors potentiellement compenser avec des énergies pilotables parmi lesquelles se trouvent le charbon, le gaz, le pétrole, et le nucléaire. Sur cette dernière source d’énergie qui fait beaucoup débat, on peut tout de même relever qu’elle est pilotable ET bas carbone (je n’aborderai pas les autres questions à se poser sur le nucléaire :D).
Le Dr Wolfgang Gründinger essaie ensuite d’expliquer l’inaction par de la psychologie sociale. Il se base sur une vidéo prise pendant un festival de musique. Une personne commence à danser seule de manière complètement désordonnée. Les gens autour le prennent pour un fou. Vient ensuite le premier suiveur qui se met aussi à danser aléatoirement à côté de lui :
source : Derek Sivers
Le public ne bronche pas mais regarde avec plus d’intérêt la scène. Ce n’est plus un fou mais un groupe social qui danse sur la musique techno.
La bascule intervient lorsqu’une troisième personne se joint au duo : elle est quasiment immédiatement suivie par un groupe bien plus important. Rapidement, ils sont rejoints par des grappes de danseurs… finalement la tendance s’inverse et il est plus étrange de rester assis que de se déhancher.
Le parallèle qu’il fait dans la question climatique, c’est qu’il faut apprendre pour bouger les lignes à montrer la voie même en étant seul, et surtout suivre les personnes qui nous semblent justes dans cette cause. Parce que la personne la plus importante n’est pas la leader, mais la suiveuse. C’est elle qui valide un comportement jugé d’abord comme fou. Cela ne requiert pas de compétences particulières mais accepter de la prise de risque, accepter le regard des autres. Avec les informations contradictoires, la désinformation et le besoin de validation de ses pairs / ses proches, ce n’est cependant (et malheureusement) pas toujours simple psychologiquement de s’engager.
Conclusion
J’ai choisi de ne pas faire une sélection des conférences qui portaient sur du greenwashing, mais elles étaient bien présentes. Vu la quantité de startups et d'investisseurs qu'il y a, on sent bien qu'il y a de la vertu dans la GreenTech, mais aussi un marché juteux. Image, consommation, opportunités business, politique : nombreux sont ceux qui veulent profiter de cet élan “vert”. Heureusement, j’y ai trouvé des projets aussi inspirants, des conférences qui remettent l’église au milieu du village, et un paquet de personnes qui sont convaincues que leur idée contribue à un monde meilleur.
On parle aujourd’hui beaucoup de FinOps dans l’informatique. Pas beaucoup de GreenOps. On parle de GreenIT mais je trouve que le terme est pour le moment galvaudé. Je pense que l’IT d’aujourd’hui et de demain doit aller plus loin que l’optimisation de l’utilisation de nos ressources. Nous devons à mon avis nous questionner sur l’impact de nos produits numériques et aller chercher du sens dans nos projets (IT for green, IT for equity).
Merci aux organisateurs de la conférence, cela fait aussi du bien de voir des produits qui ne sont pas numériques ; de se confronter à d’autres problématiques qui nous sont paradoxalement plus réelles (comme l’accès à l’eau potable) mais que nous regardons de loin.
Happy Greener IT ! ;-)
Sources:
- Impact Festival Day 1 (Playlist) : https://www.youtube.com/watch?v=uOroj0mGj-c&list=PLYIcx0isUW0ku2BN-AnrJRU7ofqapP5YI
- Impact Festival Day 2 (Playlist) : https://www.youtube.com/watch?v=P3WPsjqDzfk&list=PLYIcx0isUW0nrpCKeptWmlsNYWWBajj28