Web 3, NFT & DAO : démystifier la blockchain

Blockchain, NFT, Web3.0… Certains qualifient ces termes de "buzzwords" et d'autres jugeront qu'ils sont l'acabit d'une audience élitiste. Ils vous font, peut-être, peur, et pourtant, si vous lisez ces lignes, c’est grâce à eux. Cet article clôture la fin d’une première série sur l'univers de la blockchain et des crypto-monnaies. Si vous n’êtes pas familier avec  cet univers, je vous invite à lire un article sur son origine : le Bitcoin. Vous y retrouverez, en plus de son histoire, une synthèse vous permettant de vous constituer un socle de connaissances. Grâce à ces clés de compréhension vous pourrez vous forger votre propre avis et enfin démêler le vrai du faux sur de nombreux sujets d'actualité. J'espère vous montrer l'intérêt de ce sujet que je trouve souvent traité de manière stéréotypée. Il mérite d'être traité sérieusement pour lui donner la profondeur de réflexion qu'il mérite et montrer les enjeux associés, souvent oubliés, sur la toile.

En allant au bout de cet article, vous serez en mesure de lire les transactions ayant lieu sur une blockchain publique ; tout comprendre nécessitera quand même de l’approfondissement. Vous n’êtes pas sans savoir que le Bitcoin a été créé dans un premier temps pour proposer une alternative pour faire face aux problématiques monétaires de nos jours. Bien que la blockchain soit indissociable des crypto-monnaies, c’est bien une nouvelle technologie plaçant la décentralisation en son centre. C’est dans cette optique que s’est développé Ethereum, une blockchain programmable dont le but est de décentraliser l’internet que l’on connaît actuellement. C’est via cette blockchain que nous allons découvrir les enjeux du web 3.

Mais dans un premier temps, pour être sûr de bien comprendre ce que signifie une décentralisation de l’internet, nous allons faire un récapitulatif de l’histoire du web, les notions importantes qui le définissent actuellement et l’idéal vers lequel tend cette décentralisation.

L’histoire du web

Pour comprendre ce qu’apporte réellement le web 3, un récapitulatif de l’histoire du web s’impose.

Nous n’allons pas trop nous étaler sur les premières années d’internet, le web 1.0. Celui-ci se résume par une majorité de sites ne proposant que du contenu statique, à but informatif. Ainsi, il n’y avait, à ce moment, pas d’intéractions avec l’utilisateur, celui-ci était simplement consommateur.

Quant au web 2, vous le connaissez bien pour diverses raisons, c’est le web actuel. Celui-ci  n’est pas seulement entretenu par une poignée de personnes tels des administrateurs, mais c’est nous, utilisateurs, qui générons du contenu chaque jour par le biais de multiples services, blog perso ou bien plus communément, les réseaux sociaux. Ces fameux services, au fil du temps, ont pris davantage de place sur la toile via l'interactivité mais aussi les connexions entre diverses plateformes.

Vous connaissez la fameuse phrase : “Si c’est gratuit, c’est vous le produit” ? Les services sont utilisables “gratuitement” en échange de vos données personnelles. De plus, nous avons désormais un internet dominé principalement par les géants du web (GAFAM : Google, Meta, Amazon, Apple, Microsoft) qui vous permettent d’utiliser divers services via un seul et unique compte. Bien que cette ultra connectivité nous semble arrangeante, cela se résume aussi par une collecte de données importante sur l’utilisateur. L’utilisateur n'est pas récompensé pour partager ses données personnelles, c’est plutôt un passe-droit pour avoir accès au service.

Il en est de même pour les jeux-vidéos dématérialisés par exemple. Des plateformes telles que Steam, leader du domaine, vous permettent d’acquérir des jeux et d’y jouer. Cependant, qu’arrivera-t-il si celle-ci ferme du jour au lendemain ? Êtes-vous toujours sûr de pouvoir faire fonctionner vos jeux ? En effet, on en vient à la notion de propriété. En achetant via ces plateformes, vous payez le droit d’utilisation, et non l’acquisition physique d’un bien, comme un jeu sur CD par exemple.

Encore un exemple sur la fermeture des services, il est arrivé que des grands noms tel que Twitter ou bien Facebook suppriment l’accès à l’obtention de certaines données via leurs API. Ainsi, des business reposant dessus ont dû s’adapter ou disparaître sans avoir le choix ni leurs mots à dire.

On parle donc d’un internet centralisé au vu de la dominance de certains acteurs dans le domaine, qui, du jour au lendemain, peuvent vous censurer de leurs propres chefs.

Les enjeux du web 3

Le web 3 se veut donc indépendant de ces grandes entreprises propriétaires et nous redonne le contrôle de nos données en ligne. Il redistribue la propriété des informations le tout de manière décentralisée via l’utilisation d’un réseau pair à pair ouvert : la blockchain public Ethereum. Le pair à pair, c’est un échange de données entre ordinateurs directement sans passer par un serveur intermédiaire (voir schéma ci-dessous). Ainsi, une fois le contenu publié sur la blockchain, il ne peut plus être supprimé.

Les différents systèmes de données

Un rappel sur le fonctionnement de la blockchain ne fait pas de mal. Toute blockchain publique fonctionne nécessairement avec une monnaie ou un jeton. Le bitcoin est un exemple de monnaie. Les transactions effectuées entre les utilisateurs du réseau sont regroupées par blocs. Chaque bloc est validé par les nœuds du réseau puis ajouté à la chaîne de blocs. La transaction est alors visible pour le récepteur ainsi que l’ensemble du réseau. Pour des explications plus avancées, je vous invite ici.

Vu qu’une blockchain publique ne peut fonctionner sans crypto-monnaies, nous pouvons donc estimer la popularité du web 3 via leur valorisation et le nombre de transactions réalisées avec. Pour l’instant, nous sommes encore loin de l’adoption générale de la blockchain et par conséquent du web 3. Selon une étude de l’ADAN, l’Association pour le Développement des Actifs Numériques, seulement 8% des Français détiennent de la crypto-monnaie au début de l’année 2022. Mais à quoi cela est dû ? A ma connaissance et des discussions que j’ai pu avoir, la réputation des crypto-monnaies ne joue pas en la faveur de la blockchain.

Blockchain, Transparence ou anonymat ?

A ses débuts, grâce à sa nature digitale, son détachement total des banques traditionnelles via la décentralisation et du fait qu’il n’appartient à aucune juridiction nationale, le Bitcoin est vite apparu comme le moyen de paiement idéal sur le côté sombre d’internet : le dark web. Très connu pour son aspect illégal et ses diverses marketplaces, cela reste aussi une zone d’internet libre de droit et de censure. Les utilisateurs peuvent échanger sans la nécessité de divulguer des informations personnelles. Il en de même concernant les transactions, l’anonymat est le point très important pour nos utilisateurs du dark web. Souvenez-vous du fonctionnement d’une blockchain publique ?

Les transactions sont répertoriées par blocs et accessibles pour l’ensemble du réseau.

On y retrouve donc des informations comme l’adresse du portefeuille utilisateur. Vous vous doutez bien, la crypto-monnaie n’arrive pas seule sur votre portefeuille, il y a de fortes chances que votre portefeuille proviennent d’une plateforme d’échange, vous permettant de vous procurer aisément vos crypto-monnaies. Ces mêmes plateformes ont l'obligation d'identifier leurs clients conformément aux principes du Know Your Consumer (KYC), et ont donc accès à vos informations légales. Alors, non, le Bitcoin n'est pas aussi anonyme qu'on le pense, et les exemples qui le démontrent sont légion malgré son utilisation controversée.

Ces crypto-monnaies sont stockées sur un portefeuille, souvent désigné par l’expression anglaise “wallet”. C’est votre identifiant sur la blockchain, vu qu’il vous permet d’effectuer vos transactions.

Comme expliqué précédemment, l’utilisation du web 3 est étroitement liée à celle des crypto-monnaies. Malheureusement de nombreux sujets limitent encore leur adoption, comme leur réputation sulfureuse, la complexité de la technologie blockchain qui leur est associée et le flou juridique encore présent.

Pour autant, le web 3 ne se cantonne pas au dark web, d’autres projets émergent chaque jours proposant de nouveaux cas d’utilisations.

Vers la notion de propriété avec les NFT

Des entreprises tentent de plus en plus de faire leur place dans ce nouveau monde et cela grâce à l’introduction d’une nouvelle technologie de la blockchain : les Non-Fongible Token, plus connus sous le nom de NFT. Mais oui, vous ne rêvez pas, c’est bien ces images de singes et autres personnages les plus délirants qui vont participer à la prochaine révolution d’internet !

Il faut savoir que pour chaque avancée technologique, on retrouve souvent des dérives où de malicieuses personnes essayent d’en tirer profit grâce à l’effet de nouveauté. Si l’on vous avait dit qu’en 2005, le web deviendrait un espace interactif où l’on pourrait payer 1$ pour placer un pixel sur une page, je ne suis pas sûr que vous auriez pris internet bien au sérieux à cette époque. Pour ceux qui ne voient pas de quoi je parle, je vous invite à vous rendre ici pour en apprendre plus sur The Million Dollar Page, où comment une page web de pixels a rendu son créateur millionaire.

Malgré l’effet inutile du site, son utilisation a créé un vrai mouvement de foule et une grande mode s’est lancée autour. Des enchères se sont même déroulées pour attribuer les derniers pixels du site. Les utilisateurs ici, ont pû participer communément à de la génération de contenu sur internet, la grande nouveauté du web 2.

Cet effet de mode ne vous rappelle rien ? Bien que l’utilisation des NFT vous paraisse inutile pour l’instant, ces singes (Bored Ape Yacht Club) vous ont permis de connaître l’innovation sur laquelle ils se basent.

Maintenant, que signifie ce terme de non-fongible ? Un bien non-fongible, est un bien qui ne peut pas être remplacé par un bien de même nature. Ainsi, vous conviendrez qu’une maison n’est pas l’équivalent d’une autre maison. Votre bien est donc considéré comme unique, on y associe alors la notion de propriété. Un NFT est donc un token, autrement dit, une donnée ayant une référence unique sur la blockchain, et dont l’authenticité et la propriété sont certifiées par la blockchain.

On peut donc y voir une réelle utilité : bien que trop souvent décriée par l’utilisation très spéculative, la fonction principale des NFT assurant l’authenticité et la propriété d’un item est bien trop souvent mise à l’écart.

Heureusement, des personnes ne s’en sont pas arrêtées à cette idée, et c’est grâce à cela que l’on voit émerger des projets tel que le Starbucks Odyssey, véritable programme de fidélité basé sur les NFT, permettant d’obtenir des avantages uniques. Starbucks ne sont pas les seuls à s’être lancés dans cette aventure. Côté Français (oui on est un peu chauvin) La FFT (Fédération Française de Tennis) ainsi que Lacoste se sont eux aussi prêtés au jeu via différentes formules. Ici, c’est un moyen pour les marques de lever de l’argent tout en fidélisant une partie de leur communauté en offrant le droit de participer aux choix de la marque, mais aussi à tout autres récompenses exclusives comme des tirages au sort, réductions etc…

Est-ce que vous vous rappelez de notre problème avec nos jeux-vidéos dépendant de leur plateforme de vente ? Associons les NFT à cette problématique. De cette façon, si dans un futur nous sommes capables de stocker, d’une manière ou d’une autre, un jeu sur la blockchain, il vous sera donc possible d’être propriétaire d’un bien dématérialisé ; c’est-à-dire :

  • pouvoir s’en servir / le télécharger à vie sans se soucier de la fermeture d’une plateforme, des serveurs.
  • le revendre / le prêter à un ami par exemple, de la même manière qu’un contenu physique.
  • Grâce à la programmabilité des NFT, inclure la rémunération des créateurs indépendant de jeux à chaque revente du NFT donnant accès au jeu.

Les NFT, c’est donc bien plus que des PNG de singes et cela ne m’étonnerait pas que l’on entende parler encore davantage dans le futur avec des cas d’utilisation bien plus disruptifs.

DAO : les communautés au pouvoir

Encore un énième acronyme sous lequel croule le monde de la blockchain. DAO pour Decentralized Autonomous Organizations est exactement comme son nom l’indique ; un groupe de personnes sans dirigeant. Tout est régi sous la blockchain via la notion de smart contract que nous aborderons plus tard. Ainsi, les règles de la communauté sont transparentes, vérifiables par n'importe qui et introduites dans la DAO via des lignes de développement. Si une personne du groupe souhaite introduire de nouvelles règles, celles-ci doivent être revues par le groupe puis décidées via un vote pleinement démocratique.

La démocratie n’est pas uniquement utilisée pour l’ajout de nouvelles règles, c’est bien l’ensemble de l’organisation qui fonctionne sous ce régime. Il existe plusieurs formes de DAO, la plus connue étant celle basée sur des jetons. Il suffit de détenir un montant d’une crypto-monnaie précise, servant de jeton, pour acquérir le droit de vote et donc de participation à cette communauté.

Pour résumer, je me permets de simplifier les DAO comme une communauté gérant une trésorerie commune via la démocratie. Autant dire qu’il est plus que nécessaire de bien choisir le projet dans lequel vous souhaitez participer. Vous n’êtes pas assuré que vos fonds ne soient pas transférés du jour au lendemain sur un compte dans un paradis fiscal via la force des smart contracts. Il n’y a pas d’intermédiaire pour gérer les fonds, tout repose sur la communauté et donc la majorité.

Maintenant que toutes ces notions propres aux web 3 sont plus précises dans vos pensées, nous allons nous pencher sur les blockchains programmables, plus spécifiquement Ethereum, permettant de mettre en action ces principes.

Accéder aux données on-chain

Afin de simplifier, ici, nous parlons de la deuxième blockchain sur le marché des crypto-monnaies, à l’heure actuelle, à savoir l’Ethereum. Mais pourquoi l’Ethereum en particulier et pas une autre blockchain comme Bitcoin ?

  1. De par son ancienneté et les nouveautés qu’Ethereum a apportées à la blockchain. C’est la première blockchain à apporter cette notion de programmation. BTC et ETH sont deux crypto-monnaies mais le principal objectif de l’Ether n’est pas de proposer une alternative monétaire mais de faciliter la décentralisation de l’internet via le développement de smart contracts et d'applications décentralisées. Il en résulte une blockchain à usage général qui peut être programmée pour faire n'importe quoi.
  2. Ethereum est plus adapté à une utilisation intensive et sera plus facilement extensible.

En effet, vous n’êtes pas sans savoir qu’une blockchain est un registre complètement publique. N’importe qui, n’importe quand, n’importe où, peut consulter les transactions ayant lieu dessus. Mais comment faire ? Avant de se lancer dans le développement de sa propre solution, je vous invite à utiliser des applications appelées “block explorer”. Ici, je vais vous présenter Etherscan, le block explorer d’Ethereum. Etherscan possède tout un ensemble d'outils vous permettant d’inspecter la chaîne publique. Ainsi, plus aucune transaction ne peut vous échapper ! Son utilisation est assez simple, il vous suffit de renseigner une adresse, que cela soit celle d’un portefeuille ou bien d’une transaction, et vous obtiendrez toutes les informations à son sujet.

Autre fonctionnalité importante, en donnant l’adresse d’un token erc-20 pour une crypto-monnaie, ou erc-721 pour un NFT, vous pourrez aussi obtenir des informations importantes sur l’objet en question. Cela s’adresse majoritairement aux développeurs étant donné qu’il s’agit de lignes de développement en Solidity.


Du côté des utilisateurs, les block explorer sont très bien conçus. Mais l’on peut se demander comment font-ils pour accéder, eux, aux données des transactions, tokens, NFT ?

Accéder aux données on-chain

Je vous présente ici un schéma simplifié montrant comment accéder à Ethereum depuis votre application. Il en est de même pour Etherscan, qui utilise une librairie (web3.js / ethers.js) pour communiquer avec Ethereum, notre blockchain.

Ici, on s’est donc focalisé sur Ethereum, mais il existe un bon nombre de blockchains différentes, chacunes avec ces spécificités. Pour faciliter l’usage et éviter de jongler avec toutes ces librairies lors du développement d'applications, des services se sont développés afin d'unifier l’utilisation par le biais d’une API qui sert d’intermédiaire à l’utilisateur. C’est le cas de Covalent, une API REST qui permet d’accéder aux données sur plus d’une quarantaine de blockchains.

Pour être aussi rapide, Covalent a un fonctionnement propre à lui indexant les données de la blockchains pour pouvoir y accéder dans un temps record. Mais dans l’idée, cela fonctionne comme le schéma. La web app Covalent, va utiliser la libraire spécifique à la blockchain choisie (web3.js / ether.js pour Ethereum), le tout en se connectant à un noeud, utilisant l’implémentation client (geth) pour communiquer avec la blockchain.

Via son interface, elle permet de facilement changer de blockchain et / ou  de réseau par des paramètres, ce qui en résulte une implémentation très facile. Une vue plus détaillée de ce que propose l’API de Covalent est disponible ici. Sur cette page, vous trouverez une documentation intéractive vous permettant vous-même d’essayer chaque requête avec vos paramètres sur les différents réseaux de blockchain.

Conclusion

Vous l’avez compris, l’écosystème du web 3 est encore jeune et évolue de jour en jour. Pour l’instant, il n’est pas encore indépendant et repose toujours sur les technologies du web 2 pour exister. Malgré la barrière technique intimidante au premier abord, il existe des infrastructures, des plateformes, servant d’accès simplifié à cet univers qu’est le web 3. Cela nécessite quand même une bonne compréhension de ce nouveau paradigme d’internet.

Ce changement de manière de penser, nous avons forcément envie de le comparer avec celui de l’apparition d’internet et son adoption massive fin des années 1990. Ainsi, une éducation massive s’est faite, dans un premier temps sur les débuts de la toile qui s’est ensuite répandue aux canaux de communication principaux de l’époque : la télévision et la presse (magazine, livre). Nous sommes donc en droit de penser que pour une adoption massive de la blockchain, en addition avec le développement de l’univers du web 3, cela doit aussi passer par une éducation aux différentes notions abordées durant cet article.

Le web 3 n’est pas compliqué, il est différent de ce que l’on connaît actuellement.

Tous les sujets n’ont été que survolés, il est assez dur de résumer toutes ces notions en quelques lignes ; chaque notion mériterait son propre article mais j’espère vous avoir donné une base donnant envie de les approfondir. Vous pouvez retrouver ci-dessous d’autres sources pour assouvir votre curiosité :

Web 3 : https://ethereum.org/fr/web3/

NFT : https://ethereum.org/fr/nft/#main-content

DAO : https://ethereum.org/fr/dao/