Marre des incompréhensions liées aux trigrammes du Lean Startup & co : POC, MVC, MVP, MMF, MMR ?
Histoire de ne pas être trop dogmatique, je me suis amusé à faire une analogie entre le récent passage de ma ceinture noire de Judo et l’accélération d’une Startup opérée dans le cabinet de conseil dans lequel je travaille.
Dans mon histoire personnelle, j’ai fait du judo de 12 à 17 ans pour m’arrêter à la ceinture marron. L’ironie du sort a voulu que quelques décennies plus tard, je reprenne la pratique de cet art martial 3 mois avant d’intégrer un cabinet de conseil fondé par un ancien athlète international de judo.
Tout part du principe que nous adoptons une culture produit basée sur la validation d’hypothèses et une approche centrée sur l’impact utilisateur. Dans mon exemple, notre Startup souhaite être accompagnée dans son accélération en lançant un produit permettant de faire du maintien en condition opérationnelle prédictif d’actifs industriels.
Obtenir sa ceinture noire n’est pas une fin en soi. Les plus radicaux disent même qu’être ceinture noire, c’est pouvoir commencer à apprendre le judo. Ce qui est fondamental en judo c’est qu’être ceinture noire, c’est adhérer à 3 valeurs principales :
- Shin : la moralité, l’esprit, le caractère.
- Gi : la technique, l’habileté.
- Tai : la force du corps, la « forme physique ».
4 unités de valeurs sont nécessaires pour l’obtention de la ceinture noire : Les katas, l’UV théorique, la compétition (le shiai), l’engagement personnel. Je vous propose de nous concentrer sur les katas et les shiais.
Nous avons donc 2 produits à lancer : Ma ceinture noire et le Produit de MCO Prédictif d’Actifs Industriels.
Les katas au judo, comme dans tous les arts martiaux orientaux, sont des exercices codifiés présentant les principales techniques dans un cadre prédéterminé suivant un cérémonial précis. Ces katas représentent l’esprit et la discipline pour valider les qualités de base du judoka. J’ai donc dû reprendre les bases du Nage-No-Kata pour m’approprier correctement tous les mouvements dans l’idée de valider le Concept « Esprit et Discipline ». Cette première marche pour le judoka constitue son “Minimum Viable Concept”.
De la même façon, les business owners de notre startup avaient mis au point des algorithmes permettant de faire un jumeau numérique d’un asset industriel. Un Minimum Viable Concept (MVC) leur a permis de valider le Concept et donc l’usage auprès d’un panel d’utilisateurs cibles. Ils ont ensuite opéré des premiers développements sur leur machines pour valider la faisabilité technique au travers d’un Proof Of Concept.
Une fois mon passage de Katas validé par un jury aguerri, j’ai pu réfléchir à mon MVP, tout comme les entrepreneurs de notre Startup qui avaient validés MVC et POC.
Le Minimum Viable Product (MVP), terme galvaudé à outrance, est devenu, malgré lui, la cause de bien des amalgames. Ainsi, le MVP, popularisé par Eric Ries dans « The Lean Startup » est le Produit (ou le Service) minimum qui permet de tester une hypothèse en production, avec une mise à disposition des utilisateurs finaux. En d’autre termes, cela correspond au minimum que le produit peut proposer pour résoudre une problématique. Ainsi les fonctionnalités non indispensables ne font pas parties du MVP. C’est donc une préfiguration du Produit qui permet de valider, grâce aux retours des utilisateurs, la bonne réponse à un besoin du marché.
Avant de me lancer dans le grand bain du shiai et donc de la compétition, il m’a fallu retrouver une âme de compétiteur, une condition physique et de la technicité. Footings, séance de burpees, de pompes et autres abdominaux, ont été corrélés aux séances d’Uchi-komi (entrées de mouvements répétées) et de Yakusoku-Geiko (entraînement réciproque en déplacement) pour allier technique, habileté, souplesse et force. Après de longues séances d’entraînements, j’étais enfin prêt pour me confronter aux séries de Randoris. Le Randori est un exercice d’opposition libre entre deux partenaires (Uke et Tori). Il permet d’exprimer et d’essayer différents mouvements sans qu’il y ait d’enjeu. On peut ainsi pratiquer tout l’arsenal technique que l’on connaît avec un partenaire en posture d’adversaire “raisonné”. Ainsi, le randori permet de développer l’ensemble des qualités nécessaires au combat sans risquer la blessure ou la défaite.
Ces séries de randoris destinées à me préparer aux shiais sont l’équivalent des sprints du Minimum Viable Product. La progression se fait de façon incrémentale et itérative. Cela permet de valider des hypothèses (d’attaques, d’enchaînements, de techniques), le tout dans la culture du droit à l’erreur (Fail Fast).
Comme pour un MVP, le champ des enseignements de ces randoris sont nombreux . A mon niveau, j’ai noté les éléments suivants :
- Une exploration des possibilités
- La création d’un périmètre d’expérimentation
- Le développement des capacités du partenaire autant que des siennes
- Une dynamique permanente
- Un engagement mental total mais une puissance contrôlée
- L’acceptation voire la recherche de l’échec pour mieux progresser par la suite
Nous avons proposé aux entrepreneurs de la Startup de faire ces séries de randoris et donc un MVP organisé en sprints dans lequel nous avons :
- Posé la vision produit,
- Fait du research sur un site opérationnel afin de bien caler la démarche expérientielle et ainsi définir le parcours nominal,
- Utilisé différents ateliers de Design Thinking pour co-construire le product backlog
- Défini une architecture hexagonale à l’état de l’art se mappant bien avec la culture produit
- Co-construit cette préfiguration du produit de façon itérative et incrémentale en approche DDD avec des tests utilisateurs au fil de l’eau afin d’obtenir le maximum de feedback.
Ce MVP a pu être mis en production rapidement grâce à une approche Cloud First. Un fonctionnement en condition réelle avec un panel très représentatif d’utilisateurs a permis de tirer des enseignements qui ont amené à faire pivoter le Produit et ainsi définir une Roadmap Produit tout en réduisant le fameux cône d’incertitude.
Ce sont Mark Denne et Jane ClelandHuang qui ont parlé pour la première fois de Minimum Marketable Feature (MMF) dans leur ouvrage “Software by Number”. Le MMF doit créer de la valeur marketing sur un ou plusieurs points :
- Différenciation par rapport à la concurrence,
- Génération de revenu,
- Réduction des coûts,
- Lancement de la marque,
- Amélioration de la fidélité des utilisateurs.
On n’est donc plus dans la simple validation d’hypothèses telle que faite avec le MVP.
Leshiaï est une compétition qui oppose deux judokas dans une confrontation dont l’enjeu est la victoire ou la défaite. On trouve sur tous les sites de clubs et de la fédération française les 2 phrases suivantes :
« La pratique répétée du Shiai permet l’accession à la dimension tactique et psychologique du combat. Le shiai est une épreuve de vérité, un test mutuel d’ordre technique, physique et mental. »
Ainsi dans la quête de ma ceinture noire, le Shiai, et donc la compétition, constitue mon Minimum Marketable Feature. A chaque Shiai, nous avons la possibilité de faire 5 combats. Il nous faut gagner le combat par Ippon, score le plus élevé pour obtenir 10 points ou Waza-Ari pour obtenir 7 points. A chaque shiai, j’évalue mon potentiel technique, physique et mental face à mes adversaires.
Tout comme moi, nos startupers ont voulu évaluer la pertinence sur leur marché de leur produit et faire leurs Shiais. Ils ont donc poussé la définition de chacune des fonctionnalités minimums attendues au final par les utilisateurs. Ils n’étaient pas tant dans la recherche de génération de revenu que du positionnement de leur marque et de leur différenciation par rapport à la concurrence
Ilfaut totaliser 100 points pour valider l’UV Compétition. Si en un seul shiai, nous totalisons 44 points, nous validons de facto l’UV.
La Minimum Marketable Release (MMR) correspond à la livraison de l’ensemble des fonctionnalités faites sur les différents MMF. Concrètement, on peut dire MMF1 + MMF2 + MMF3 = MMR. Le Minimum Marketable Product correspond quant à lui à la première release du MMR
MaMinimum Marketable Release s’est structurée en 5 release (ou 5 Shiai) pour totaliser mes 100 points et ainsi obtenir ma ceinture noire.
L’équipe de la Startup a eu la même démarche. Elle a décidé d’opérer 5 release afin de proposer le “bon produit” permettant de générer des revenus et de passer dans la phase d’industrialisation.
Au travers de ces expériences combinées, ma fierté s’est nourri de 2 accomplissements :
- Nous avons accéléré une Startup et contribué à faire d’elle une entreprise avec de belles perspectives. Nos entrepreneurs sont maintenant en train d’industrialiser leur solution, de la déployer à l’étranger et de s’essayer à de nouveaux actifs industriels.
- J’ai obtenu par le travail et la discipline mon 1er Dan et donc ma ceinture noire. Elle m’a, de plus, été remise par un international, ancien champion d’Europe, que je suivais quand j’étais enfant. Le Président Fondateur du cabinet de conseil dans lequel je travaille m’a félicité et m’a indiqué que j’intégrai le prestigieux “Cercle des Ceintures Noires” avec tout ce que cela implique au niveau du code moral.
J’espère que cette présentation combinée vous donne des clés de lecture et des outils pour concrétiser vos objectifs, tant professionnels que personnels, en structurant vos POC, MVC, MVP, MMF et MMR.
A vous de jouer !!!!