
Le Jeudi 16 Octobre 2025 avait lieu la très attendue première édition de la PlatformCon Live à Paris, premier événement organisé par l’Organisation Platform Engineering et nos collègues de chez WeScale, dédié au Platform Engineering en France. Ce sujet étant une de nos priorités depuis cette année, nous nous devions d’être de la partie, l’occasion de retrouver les amoureux du Platform Engineering. Chez Ippon Technologies, ce vaste sujet concerne tout nos corps de métier et ce faisant nous avions constitué une équipe de choc pour y participer, tous adeptes de la philosophie DevSecOps et une vision produit autour du Platform Engineering (Architecte Cloud & DevOps, ML Ops, Tech Lead Software Engineering, Coach Craftsmanship et notre Strategy Lead Platform Engineering). Le sujet de Platform Engineering ne se cantonne pas à nos collègues Ops (ou SRE, infra, DevOps Chapter, selon vos noms chez vous) mais bien à toute personne gravitant au sein d’une DSI pour construire les produits digitaux d'aujourd'hui et demain.

Le Platform Engineering, comme nous l’a présenté Luca Galante, contributeur principal de l’Organisation Platform Engineering, lors de la Keynote d’ouverture, a fortement progressé et s’est ancré de plus en plus dans la vie des entreprises tech, passant d’une composante dans les Hype Cycles (cycle des tendances) du Software Engineering d’après Gartner, à une évolution clefs de l’IT qui a son propre cycle de vie. Une statistique plus concrète: Gartner prévoyait une adoption du Platform Engineering chez 80% des entreprises tech d’ici 2026 et en fin de compte en 2025, 90% des entreprises ont entamé des démarches pour adopter ses pratiques d’après l’institut DORA (DevOps Research and Assessment).

Si le Platform Engineering était d’abord une notion dédiée au développement logiciel, son impact avait l’air de s’étendre à d’autres horizons et de s’appliquer dernièrement à l’infrastructure, la data et encore l’IA. Le sujet de l’IA a forcément été abordé lors de cette Keynote et Luca Galante n’a d’ailleurs pas manqué de rappeler l’importance du Platform Engineering et de ses principes pour adopter correctement l’IA. La deuxième partie de la Keynote était présentée par Kelsey Hightower, ingénieur logiciel et conférencier. À travers son intervention, il a précisé un point que beaucoup de personnes se posent: non, le Platform Engineering n’est pas une invention de ces dernières années, c’est un nom qui a été apposé à une tendance qui existe depuis longtemps, la Plateformisation, mais qui n’avait jamais été correctement définie avant.
Ce que n’est pas la PlatformCon
Tout d’abord, ce n’est pas un rassemblement d’experts Unix, de mangeurs de hardware ou fanatiques de bare metal (même si une majorité en est passionnée). Il s’agit d’un rassemblement autour d’une vision partagée sur comment faire mieux dès demain en termes d’organisation de votre DSI.
Si vous attendiez d’avoir à PlatformCon la recette magique parfaite pour monter une Plateforme de développement interne ou de connaître la stack technique idéale pour la mettre en place alors vous serez déçu.
Une plateforme IT, la majorité des entreprises en possède une qui s’est construite au fil des 10 voir 20 dernières années avec ses évolutions majeures (l’arrivée de l’agilité, l’émergence de la virtualisation puis de la conteneurisation, l’avènement de la philosophie Cloud & DevOps qui s'orna du préfix Sec quelques années plus tard).
Ce qu’est la PlatformCon
C’est avant tout une journée où nous pouvons échanger sur nos expériences (réussites comme échecs) autour de la mise en place d’une plateforme. Peut-on considérer que la PlatformCon est aux DevOps ce qu’est DDD Europe au craftsmanship ?
Bien sûr, on va parler solution technique sur table pour accélérer la Plateformisation. Vous n’aurez jamais autant entendu le terme Kubernetes à une conférence … ou alors peut-être à la KubeCon 😀! Mais toujours avec un énorme panneau “warning”, vous indiquant d’être vigilant sur les technologies présentées car bien souvent, elles sont amenées dans un contexte particulier pour des besoins propres à l’entreprise (ne faites pas de Kubernetes si vous êtes au début de votre chemin pour la Plateformisation, baby step first).
Cette année, le focus a été sur des retours d’expérience de mise en place de Platform Engineering pour diverses entreprises avec chacune leur modèle (de la société offrant des service numériques, en passant par la banque, la plateforme data mais aussi la startup boostée par des investisseurs, etc…). Grâce à ce panel d’entreprises avec chacune leur stratégie d’évolution, leur budget, leur philosophie organisationnelle, on peut arriver à trouver des idées / similarités à notre entreprise et s’en inspirer pour à son tour se challenger et grandir.
Que faut-il retenir ? En bref
KISS: Keep it simple, stupid
Cet acronyme n’a jamais été aussi vrai. Tous les speakers qui sont intervenus sont alignés sur cette vision. Vouloir aller trop vite et trop complexe, dans le cadre de la mise en place d’une plateforme, est un échec assuré.
Tout d’abord, on commence par mettre à disposition des API Rest pour consommer les solutions et services. Même si pour certains cette étape est évidente, pour une majorité d’entre nous c’est un travail à mener (définir les bons contrats, identifier les services à exposer, prévoir de l’extension, adapter les outils aux usages des équipes, etc…). Si vous avez déjà un ensemble de services exposés par API au travers d’un point d’entrée unique (bien souvent une API Gateway), alors vous avez déjà acquis l’expérience pour avoir une vision produit de vos services, définir une organisation pour porter ces services et surtout acculturer et communiquer avec vos équipes pour l’usage et l’évolution de ce premier layer de votre plateforme.
Ensuite, on peut se poser la question de monter une IHM (Interface Homme Machine) pour améliorer la DevX (developer experience). Encore une étape pour faire grandir votre SI avec des questions comme:
- Ai-je un Design System pour accélérer sa mise en place ?
De nombreux Design Systems existent en opensource et peuvent être des accélérateurs avant même de construire le vôtre.
- Quelle structure d’équipe pour ce type de projet ?
Un product owner (celui de votre plateforme), 2 à 3 développeurs est un bon début pour monter ce produit.
- Comment mesurer la satisfaction et l’amélioration de la DevX ?
On évite de se lancer à corps perdu dans les métriques DORA dès le début (de nombreux REX en parlent). On peut commencer KISS (Keep It Simple and Stupid) avec le Squad Health Check de Spotify. On rencontre les équipes une fois par mois par exemple (pas trop souvent) et on leur demande leurs pain points concernant la Plateforme, leurs besoins, etc…
Créer une plateforme sans jamais échanger avec les équipes qui l'utilisent, sans leur proposer d’y participer (contribution interne, ouverture des dépôts de code) est un échec assuré. Profitez de vos équipes d’expertise technique (DevEx team, enabler team, coach interne) pour évangéliser les équipes à l’usage de votre Plateforme.
Eat your own food
Encore merci Mirakl pour cette citation qui est forte en sens. Il est important que vos équipes en charge de la plateforme soient les premières à s’en servir. Ils sont les mieux placés pour critiquer les produits proposés. Et on en revient à l’idée de l’inner sourcing avec la facilitation des évolutions par la contribution interne sur les bases de vos standards à vous. Votre plateforme reflète vos standards techniques.
L’expérimentation ne s’arrête jamais
Il ne faut pas craindre les échecs car ils sont toujours instructifs et la courbe d’apprentissage de la Plateformisation n’est pas linéaire. La Plateformisation est un excellent moyen d'expérimenter au sein de votre SI de nouvelles méthodologies, pratiques (ex: mise en place de feature flipping, rollout gateway, fine-tuning kafka), outils etc …
Vigilance sur l’usage de l’IA
Mais alors, le big boss final de la plateforme, c’est la mise en place d’un chatbot sur notre plateforme ou d’un agent de Plateformisation ? La réponse est claire et concise: NON.
On en revient à notre KISS, mais il est impératif de savoir faire une Plateforme avec votre vision et qui apporte de la valeur à vos équipes avant de vouloir l’enrichir avec de l’IA. On n’investit pas sur un agent IA plateforme avant même d’avoir créé sa plateforme. La plateforme se veut être un accélérateur fournissant un ensemble de guidelines, golden path, documentation avant tout. Il ne doit en aucun cas être un enjeu pour faire de l’IA. L’IA peut enrichir votre produit si vous êtes mature sur le sujet et des speakers ont indiqué se lancer sur ce sujet avec des use cases identifiés chez eux.
Comme disait Kelsey Hightower lors de la Keynote, si c’est pour faire un agent IA qui reset votre mot de passe, alors qu’un simple clique sur un reset est possible et que derrière cela vous demande une usine à gaz pour rattraper l’aspect non déterministe de l’IA, alors vous allez dans le mur.
Un alignement existe tout de même sur l’idée d’utiliser l’IA afin d'accélérer l'accès à de la documentation et simplifier la rédaction de documentation. C’est là où est la force de l’IA (et surtout du NLP), grâce à elle, il est possible de répondre rapidement aux besoins d’un développeur concernant la plateforme sur la base d’un agent conversationnel. Mais soyez conscient qu’il faut garder un système de débrayage avec des équipes de supports accessibles par divers canaux (ticketing via Jira, thread via Slack ou Teams, etc…).
Un aperçu de nos conférences préférées
Pour ceux d’entre vous qui souhaiteraient avoir un petit résumé des conférences que nous sommes allés voir, nous y consacrons cette section.
Platform Engineering à but non lucratif : leçons des Restos du Cœur - Julien Briault - Deezer
Julien Briault est un des speakers ayant été présent sur de nombreuses conférences en France en cette année 2025, nous avions déjà pu le voir présenter son magnifique sujet à des conférences comme Touraine Tech en février de cette année.
Ce premier talk de la journée a été une leçon d’humilité pour nous face à l’implication de Julien Briault, SRE chez Deezer mais aussi bénévole chez les Restos du Coeur. Julien est venu présenter son projet Cloud du Coeur, le Cloud privé des Restos du Coeur qu’il met en place depuis 4 ans afin de permettre à l’association et ses 78 000 bénévoles d’accéder aux outils numériques indispensables pour assurer leur mission tout en permettant à l’association d’économiser de précieuses ressources financières afin de fournir plus de repas au plus démunis. Un très beau projet qui allie technologie et social, merci Julien pour ce talk et bravo à toute ton équipe.

Platform as a product: Il faut savoir (parfois) réinventer la roue - Romain Broussard - Mirakl
Dans cette présentation, Romain Broussard, VP Platform Engineering (un intitulé de poste pas commun en France) chez Mirakl (éditeur de logiciel français) nous présente l’approche qu'il a eu lors de la mise en place de son équipe Plateforme et pose notamment l’accent sur l’approche produit qu'il faut avoir dans cette situation. En effet, de nombreuses entreprises font l’erreur de ne se concentrer que sur l’aspect technique du Platform Engineering sans aborder les vrais problèmes des structures. L’équipe Plateforme de Mirakl a mis en place une portail interne de développement mais Romain nous met en garde: nous pouvons avoir tendance à vouloir mettre en place un IdP(Internal Development Portal) directement en utilisant des projets comme Backstage de Spotify par exemple mais ceux-ci sont très complexes à mettre en place et il est préférable de d’abord exposer les services que l’on souhaite via des API par exemple, les mettre à disposition des développeurs avant de vouloir forcément une interface graphique. Si je devais retenir 2 leçons de cette conférence très intéressante : APIser d’abord et être soi même client de sa Plateforme pour pouvoir l’améliorer.
Construire une Plateforme d’ingénierie dans un groupe en pleine transformation : retour d’expérience - Florian Gasnier, Michaël Fery - Meilleurtaux
Chez Meilleurtaux, acteur du courtage en placement, assurance et crédit, l’hétérogénéité des équipes et l’absence de standards Dev, Sec et Ops freinaient l’innovation. Pour y remédier, l’entreprise a créé une équipe plateforme from scratch, combinant prestataires et recrutements internes, et impliquant l’ensemble des équipes infra, Ops, Sec et Dev.
Chaque squad dispose d’un champion DevSecOps, un Golden Path guide les développeurs, et l’architecture Hub & Spoke sécurise les environnements via des Landing Zones. L’objectif : réduire le Time to Cloud tout en garantissant sécurité et qualité.
Les bénéfices sont tangibles : autonomie accrue, déploiements plus rapides et sécurisés, meilleure visibilité sur les coûts et accès aux nouvelles fonctionnalités. Les défis restent la résistance au changement et la dette technique héritée.
Pour l’avenir, Meilleurtaux prévoit extension vers le cloud et la data, sandbox d’expérimentation, standardisation et suivi des métriques DORA et FinOps, tout en continuant l’onboarding de nouvelles squads.
Cloud Pi Native : Le Platform Engineering construit en OpenSource pour les ministères publics - Akram Blouza, Brice Trinel, Mathieu Laude - Ministère de l’intérieur
Conçue au sein du ministère de l’Intérieur, Cloud Pi Native illustre la montée en puissance du Platform Engineering dans le secteur public. Née d’un simple besoin de simplifier le déploiement d’applications, la Plateforme est devenue un produit stratégique, capable d’héberger des projets critiques tels que le Système d’Immatriculation des Véhicules (SIV) ou des applications interministérielles (Intérieur, Armées, Justice).
Dans la continuité de la stratégie cloud de l’État (2021), Cloud Pi Native s’inscrit dans une logique de souveraineté numérique et de maîtrise des infrastructures. Elle repose uniquement sur des briques open source et s’intègre dans l’écosystème des clouds souverains internes (Cloud Pi, Nubo) et des clouds de confiance (S3NS, Scaleway).L’objectif : conjuguer agilité, sécurité et indépendance tout en respectant les exigences réglementaires et les niveaux de confidentialité (jusqu’au niveau Diffusion Restreinte).
Cloud Pi Native offre un ensemble de services pour accélérer le time-to-market, mutualiser les ressources et améliorer la satisfaction des utilisateurs. Selon le degré d’intégration, les équipes ministérielles peuvent déployer leurs applications plus rapidement et en toute autonomie, tout en conservant un haut niveau de gouvernance et de sécurité.
Les prochaines évolutions incluent :
- Un catalogue de services (“Golden Path”) pour guider les équipes projets.
- Le soutien aux projets d’intelligence artificielle (gestion de GPU).
- Des plugins spécialisés, comme OpenCDS pour l’automatisation DNS.
Avec déjà 30 projets en production et plus de 100 agents formés, Cloud Pi Native s’impose comme un levier de modernisation et un vecteur de souveraineté numérique.Abstraction, standardisation, self-service, observabilité et sécurité by design : cette Plateforme open source incarne une nouvelle génération d’infrastructures publiques, pensées pour l’efficacité et la confiance.
“Platform Engineering is not about saving money, it is about making money" : Vers une Plateforme interne rentable chez Bpifrance - Hela Ben Farhat - BPI France
Hela Ben Farhat, Product Manager chez BPIfrance, aborde un sujet incontournable lorsqu’on met en place une équipe plateforme, c’est sa rentabilité par rapport aux équipes métier. Chez Bpifrance Digital, le Platform Engineering est désormais perçu comme un levier économique majeur, surpassant le statut de simple centre de coût. S'inspirant de l'impact de la machine à laver sur l'économie du 20e siècle, qui a libéré du temps pour l'innovation, la plateforme a pour mission de libérer les développeurs pour l'accélération et la créativité. Architecturalement, la plateforme est le cœur numérique, positionné entre les fondations (infrastructure Cloud, services internes) et les Produits Digitaux Métiers (parcours clients, demandes de financement). Conçue pour être générique, réutilisable et exposée via API, elle remplit une double fonction: elle est une couche d'abstraction masquant la complexité des fondations, et une couche d'accélération pour les équipes de développement.
Pour prouver cette valeur stratégique et répondre aux doutes initiaux des décideurs, Bpifrance s'appuie sur le calcul du ROI. Actuellement, la Plateforme affiche une rentabilité de 300 %, soit 3 € gagnés pour chaque euro investi. L'ambition est d'atteindre 5 € pour 1 € d’ici deux ans. Ce gain se décompose en trois familles : les économies de réutilisation, les gains de productivité, et les gains business (réduisant le time-to-market pour certains produits d’un an à trois mois). Au-delà de ces métriques quantifiables, la démarche intègre l'impact des gains invisibles, tels que la fidélisation client et l'amélioration de l’expérience développeur, qui ne figurent pas dans les calculs mais renforcent la performance globale de l’entreprise.
La pérennisation de ces bénéfices repose sur trois piliers fondamentaux. Le premier est le maintien d'un modèle économique lisible ; le second est une approche produit proactive qui se concentre sur le consommateur (le développeur) via le continuous discovery, visant à abandonner la "feature factory" pour prioriser les sujets alignés sur les enjeux business. Le troisième pilier est l’excellence opérationnelle, essentielle pour garantir la robustesse, la performance et la sécurité de la Plateforme.
Malgré ces succès, des défis persistent, notamment la nécessité d'une transformation culturelle vers un état d’esprit "produit" au sein des équipes, et la fiabilisation des mesures (acceptant l'imprécision des gains de productivité). À l'avenir, Bpifrance mise sur l'intégration de l'IA et des Plateformes "Agentic" pour orchestrer des agents, automatiser des chaînes de valeur entières et démultiplier l'innovation.
Conclusion
Cette journée à la PlatformCon aura été riche en informations et retours d’expériences. Nous avons déjà hâte d'assister à la prochaine édition.
