Chaque mois, l’association Agile Nantes organise une conférence ou un atelier. Celle du mois d’avril était présentée par Nicolas Hennion et nous expliquait comment nous pouvons gagner du temps et de l’efficacité au travail. Les astuces données sont issues de diverses méthodes : Xtreme Programming, Scrum, Lean Startup, Management visuel, Semaine de 4h, gestion de projet classique et la théorie des contraintes. Une bonne gestion du temps se décline de deux façons, qui constituent les deux parties de la présentation : concentrer son temps sur la très haute valeur ajoutée, et augmenter son temps maitrisé.
Concentrer son temps sur la très haute valeur ajoutée
Un travailleur, quelle que soit sa fonction, a en général une quantité assez importante de tâches à effectuer. Toutes ces tâches sont stockées en mémoire (avec parfois des rappels sur des supports variés, comme un mail non classé, un post-it…), et l’estimation que l’on a de leur urgence, leur valeur ou leur temps de réalisation permet à un instant donné d’aller chercher celle que l’on va faire. Le travail intellectuel de classement de ces tâches est important, et l’est à chaque ajout de tâche ou changement de priorité. Inspiré par les méthodes agiles, où le backlog est priorisé en fonction de la valeur, Nicolas Hennion nous suggère de coucher toutes nos tâches par écrit sous forme de todo list. Pour que notre liste soit pertinente, elle doit être :
- profonde : elle doit inclure les tâches à faire sur un laps de temps assez élevé pour être vraiment utile. Il est préférable d’avoir une visibilité sur plus d’une semaine ;
- priorisée : en haut de la liste doit se trouver la tâche ayant la plus haute valeur ajoutée ;
- granularisée : un élément de la liste doit pouvoir être réalisé en un temps le plus court possible. Une tâche qui prendrait une journée complète doit être divisée en sous-tâches.
A quoi sert une telle liste ?
L’intérêt de cette liste, c’est que si une nouvelle tâche à faire arrive, nous pouvons directement l’insérer dans cette liste en fonction de sa priorité. Inutile de dépenser son énergie intellectuelle à la mémoriser, au risque de l’oublier, ou de la noter sur un support que l’on devra ensuite retrouver au bon moment.
Quand nous avons du temps devant nous, nous ne perdons pas de temps à chercher quelle sera notre prochaine activité : nous prenons l’élément du haut de la liste, et nous nous y mettons immédiatement. Nicolas Hennion nous donnait l’exemple suivant : lors d’une journée, nous avons des créneaux de 5 minutes, entre deux réunions par exemple. Si nous n’avons pas de liste priorisée pré-établie, nous allons prendre 3 minutes pour trouver dans notre mémoire ce que nous allons pouvoir faire pendant ce court laps de temps, et nous n’allons plus avoir de temps pour le faire. Alors qu’il est très rapide de regarder sur la liste quelle tâche à haute valeur ajoutée nous allons faire, et nous pourrons au moins l’initier avant la réunion suivante.
Une tâche longue doit être découpée en plusieurs tâches pour entrer dans la liste. Ceci permet de mettre en relief les parties à haute valeur ajoutée. Les détails n’ayant que peu de valeur vont tomber en bas de la liste, on sera concentré sur l’essentiel de la tâche à faire. Quand on se sent submergé par un travail long à faire, n’en garder que la partie réellement importante en planification urgente permet de sortir la tête de l’eau.
Et les deadlines ?
Notre todo list ordonnée ne contient qu’une colonne, et aucune date n’est indiquée. Cependant, avec l’expérience d’utilisation de cette liste, on parvient à connaître notre vitesse moyenne approximative d’exécution (comme dans un tableau Kanban), et donc d’avoir une idée grossière du moment où l’on aura effectué une tâche selon sa position dans la liste.
Augmenter son temps maîtrisé
Une fois notre travail bien organisé par ordre de priorité, encore faut-il avoir le temps de l’effectuer. Une cause majeure de perte de temps est le travail multi-tâches. En effet, quand on passe d’une tâche à l’autre (ou quand on reprend son activité après une interruption), il faut quelques minutes pour être efficace sur son travail. Bien que cela semble négligeable au premier abord, la somme des interruptions subies dans une journée fait que le total monte à au moins une heure par jour et par personne.
Il existe 3 cas typiques à la source de ce problème :
- l’overdose de communication,
- le management infantilisant,
- les clients-rois.
Nicolas Hennion s’est focalisé sur le cas de l’overdose de communication. Il est en effet commun que, suite à un projet qui s’est mal déroulé, on identifie en amont un problème de communication et qu’on décide de réagir en communiquant plus. Or, chaque appel, mail, ou question à la cantonade au sein de l’open-space génère une interruption, et donc une perte de temps associée. Si les développeurs ne parviennent pas à rester concentrés suffisamment longtemps pour être très productifs, il est probable que le projet suivant ne soit pas non plus réalisé dans les temps. Non seulement cet excès de communication fait perdre du temps utile, mais il ne permet d’éviter ni les urgences, ni les incompréhensions.
Nicolas Hennion propose des pratiques pour diminuer ce problème de temps perdu. Nous pouvons inventer nos propres règles, mais il suggère de les soumettre au “test de la grand-mère”. En effet, il est assez aisé de concevoir des comportements à adopter, mais beaucoup plus compliqué de faire en sorte qu’ils soient appliqués sur le long terme. Pour qu’une règle ait plus de chances de perdurer, il faut qu’une personne âgée puisse :
- la comprendre,
- savoir l’appliquer,
- penser à l’appliquer.
Les outils informatiques ne passent pas ce test, c’est pourquoi Nicolas Hennion nous les déconseille. De plus, ils génèrent des problèmes de compréhension, il n’est en effet pas rare que des heures de travail soient perdues suite à un email mal compris. En communication interne, les outils de communication visuelle (par exemple les tableaux avec des post-it – on connait bien à Ippon Nantes) sont très efficaces pour voir ce qui est en cours, à venir et ce qui est déjà fait.
Voici quelques règles qui, mises en place peuvent permettre de vraiment gagner du temps :
- commencer sa journée par une action à haute valeur ajoutée, avant même de consulter ses mails. Si à 10h on a terminé quelque chose d’important, on a le sentiment d’avoir réussi sa journée ;
- décider en équipe d’un créneau horaire quotidien pendant lequel aucune interruption n’est autorisée. Chacun a ainsi la possibilité de se concentrer sur son travail sans rien avoir à faire d’autre. C’est à mon sens particulièrement vital dans un open-space, où l’on est régulièrement interrompu (et bien souvent sans même être concerné). Cette règle sera plus facilement mise en place s’il est prévu un temps préalable au blackout pour gérer la communication, par exemple s’il suit le standup meeting ;
- se désintoxiquer des emails. Ceux-ci sont la cause la plus fréquente d’interruption de travail, alors qu’ils sont rarement urgents, et trop souvent inutiles. Il est conseillé de ne les consulter que deux fois par jour, idéalement en fin de matinée et en fin de journée (quand on est fatigué, moins concentré, et qu’en plus on est motivé pour traiter ses emails rapidement). Il est préférable de penser à prévenir ses collègues de cette décision ;
- améliorer l’efficacité des réunions. L’excès de réunions, ou de personnes présentes lors de ces réunions, tue la productivité d’une entreprise. Une bonne pratique consiste à terminer chaque réunion par un ROTI (Return On Time Invested) : chaque participant doit noter la réunion entre 0 et 5. Cela permet de cerner plus facilement ce qui est vraiment utile ;
- limiter les urgences. Cela passe par le fait de s’abstenir de donner des dates quand on n’y est pas obligé. Il est assez classique, quand un collègue nous demande quelque chose, de lui répondre : “Je te fais ça pour demain”. Si on a manqué de temps, on se trouve le lendemain soir avec une urgence que l’on s’est créée de toutes pièces. On peut également anticiper en s’informant de ce qui risque d’arriver, en profitant de canaux de communication déjà ouverts (pour éviter de provoquer des interruptions). Enfin, donner un prix à sa réactivité (cela peut être une autre tâche qui devra attendre pour compenser) permet à notre interlocuteur de relativiser ses urgences. Combien de fois a-t-on fait des heures supplémentaires pour livrer dans les temps à un client parti en vacances ?
Améliorer sa productivité passe donc par ces conseils, qui ne sont pour la plupart que de bon sens. Les connaître, c’est bien, les mettre en pratique est une autre chose, et on a toujours une multitude de fausses bonnes raisons pour ne pas se lancer. Quoi qu’il en soit, si je me mets à ne plus répondre aux emails dès le chant du coq, vous saurez pourquoi !
Pour voir les slides de la présentation : http://share.agileimpulse.com