Mardi matin à 8h00 : le calme avant la tempête
Avec 3 400 participants, près de 200 conférenciers et sa semaine complète de talks, Devoxx est devenue, en quelques années, la plus grande conférence Java d’Europe voire peut-être du monde (et oui pas de Google à Java One). Ayant eu l’honneur, cette année, d’y être conférencier, je ne vais pas faire le énième compte-rendu des conférences que j’ai vues (bon ok, je parlerai de quelques-unes) mais je vais essayer de vous donner une idée de l’ambiance assez unique qui anime cet endroit pendant 4 jours et demi.
Le lieu
Vu de l’extérieur, Devoxx semble partir avec un certain handicap. Anvers n’a, a priori, pas le pouvoir d’attraction de San Francisco, Londres, Paris, voire même Bruxelles et l’emplacement du centre de conférences (un grand complexe cinématographique dans une «zone» d’activité de banlieue) ne montre pas la ville sous son meilleur jour. Et pourtant, ça marche ! La richesse du programme, la qualité de l’organisation et la variété des activités (conférences, ateliers «Hands On», Hackergarten, BoF, Code Story et autres tools in action) constituent évidemment la première raison du succès de Devoxx, mais il y a plus. Avoir choisi des salles de cinéma peut sembler étrange de prime abord mais se révèle, après coup, une idée de génie : aucune conférence ne peut proposer un tel confort pour profiter des talks (ou faire la sieste) et l’ambiance feutrée des salles donne une impression d’immersion assez unique. On est au spectacle !
Décor et accessoires
Un tas de petits détails participe à cette sensation d’être dans une bulle. Mais les différents Tweet Walls sont probablement le dispositif le plus efficace sur ce point. Créant une espèce de récursivité de la conférence et un retour en direct des différentes interventions, les tweets contenant le hashtag #Devoxx sont diffusés de multiples manières à des endroits stratégiques du centre de conférence. Ces Walls donnent le pouls en direct de Devoxx en permettant d’avoir un instantané du talk qui déchire ou de la conversation informelle qui est en train de se tenir sur un stand ou au Code Story.
Pour en revenir à mon cas personnel, sans ce Tweet Wall en 2010 je n’aurais probablement pas rencontré Lincoln Baxter et ne me serais retrouvé dans l’aventure Seam Social qui a conduit à Agorava et m’a amené à être speaker cette année. Totalement récursif !
Au niveau des accessoires, cette année, l’équipe Devoxx a innové en installant des puces RFID sur les bracelets des participants. Ils pouvaient ainsi voter pour ou contre, à la sortie des talks, en présentant leur puce sur un panneau de vote. Ingénieux quoiqu’un peu générateur de bouchons.
Mon Devoxx
On débarque à Devoxx comme on débarque dans un restaurant gastronomique qui aurait une carte pléthorique. Chacun y vivra un parcours personnel tout en croisant des connaissances d’un talk à l’autre. Faire Devoxx est donc bizarrement à la fois une expérience personnelle et partagée.
C’est la troisième année que je vais à Devoxx (merci Ippon) et j’en ai ramené à chaque fois quelque chose de différent.
Cette année, grande première j’étais speaker et je donnais mardi matin avec Werner Keil, une université de 3 heures sur l’aventure de la JSR Java Social et le framework Agorava. J’abordais donc cet événement sous un jour assez nouveau. Autant dire que je n’ai pas pu profiter pleinement de la journée du lundi, étant plongé dans les derniers détails de ma présentation du lendemain matin. (J’ai quand même pu saluer certaines têtes connues sur Twitter et dans la vraie vie)
Mardi : Le Jour J
Avant le spectacle
Sur la scène de la salle de conférence, le temps semble s’écouler très rapidement et je ne vois pas passer les trois heures de présentation . Il y a de grandes chances que je présente ma conférence à plusieurs reprises en France. Vous aurez l’occasion (si vous le souhaitez) de découvrir les tenants et aboutissants d’Agorava, un peu plus tard.
Mardi après-midi, je découvre les nouveautés dans JAX-RS 2.0 et JPA 2.1 au cours d’une conférence mais je suis un peu resté sur ma faim : en dehors du framework client et des filtres dans JAX-RS 2.0, rien de révolutionnaire en vue sur ces deux frameworks dans Java EE 7.
J’ai ensuite zappé deux quickies pour discuter avec d’autres développeurs au Hackergarten et mettre ma présentation au carré avant de l’uploader sur slideshare et speakerdeck.
J’ai rattrapé le dernier train des quickies avec un très bon talk de Guillaume Tardiff sur les Lambdas Expressions dans le JDK8 qui m’a permis de comprendre que Java 8 avec les lambdas et les Virtual Extension methods (qui introduisent de l’héritage multiple en Java) allaient amener une rupture aussi importante que Java 5 avec les annotations et generics.
J’achève ma journée avec le dîner des speakers au cours duquel je fais la connaissance, entre autres, de David Blevins Tech Lead sur Apache Open EJB et TomEE avec qui j’ai eu un échange assez passionnant sur les serveurs d’applications, le packaging Java EE et les conteneurs. David synthétise la conversation par la pharase suivante : «avoir plusieurs war déployés dans le même serveur c’est comme demander à quelqu’un de partager l’eau de son bain avec d’autres personnes».
Mercredi – la foule arrive
Les conférenciers arrivent
La fin des universités et le début des conférences marquent une réelle différence à Devoxx : l’arrivée de la foule. Étant arrivé à ce moment là, les années précédentes je n’avais pas vécu ce contraste. A partir de mercredi tout s’accélère et le rythme devient frénétique.
Après une ouverture où 5 robots Nao dansaient sur un remix des meilleures citations de l’ordinateur psychopathe de Portal (le jeu vidéo pas Liferay 😉 ), la Keynote de Stephan Jansen (le papa de Devoxx) fut un moment de bonne humeur et d’efficacité.
Nous y avons appris :
- les dates de Devoxx France (du 27 au 29 mars)
- l’arrivée de Devoxx UK (Devoxx devient une vraie marque)
- Un Focus sur Devoxx For kids, (vraiment très intéressant pour ceux qui ont des enfants entre 5 et 14 ans, et qui devrait bientôt arriver en France)
- Une présentation très impressionnante du nouveau site Parleys full HTML 5 qui devrait être mis en ligne avant Devoxx France.
La keynote d’Oracle qui suivit, fut nettement moins rock’n roll mais un peu plus vivante que la com’ institutionnelle qu’ils nous avaient donné à voir les années précédentes.La matinée s’achève avec un talk de Neal Ford sur l’invasion de la culture Geek dans des domaines inattendus. Sympathique mais un peu long.
Après les keynotes j’assiste à la conférence de David Blevins sur les aspects méconnus de Java EE. Ce que je retiens c’est que les EJB MDB ne sont pas liés à JMS et peuvent servir à exposer des serveurs divers et variés via une petite démo de shell applicatif via telnet. David fait aussi quelques propositions au JCP pour simplifier la réutilisabilité des annotations en Java allant jusqu’à promouvoir la définition de celles-ci au sein de fichier de configuration XML (pour boucler la boucle). Je sais, résumé ici ça peut paraître bizarre, mais c’était un exposé brillant, convaincant et sortant de sentiers battus. A voir donc sur Parleys dans quelques jours.
C’est pendant la pause de 13h que l’on peut prendre le premier bain de foule Devoxx : malgré une grève des cheminots Belges, les 3400 participants étaient bien arrivés (Devoxx est le seul endroit que je connaisse où ce sont les hommes qui font la queue pour aller aux toilettes).
L’après-midi je décide de rompre avec ma zone de confort Java-EE-isée en assistant à une présentation de Vert.x par Tim Fox. Assez décevante car beaucoup plus orientée théorie que pratique. J’aurais aimé en voir plus que le hello world en home page du site vert.x. Un peu frustré, je consacre l’heure suivante à une réunion des développeurs Agorava sur IRC, puis direction le BoF Java EE pour surtout voir des specs leaders échanger avec Oracle sur les problèmes politiques au sein de certaines JSR. Ce n’était pas vraiment ce que j’attendais, mais c’était tout de même intéressant de voir le discours d’Oracle qui souhaite éviter au maximum d’intervenir quand des JSR rencontrent des turbulences internes. Encore un idée reçue sur l’interventionnisme d’Oracle battue en brèche.
J’ai fini la journée par un dîner organisé par l’équipe Arquillian pour remercier les contributeurs présents à Devoxx. Soirée agréable en petit comité (10 personnes) où nous avons parlé de l’avenir de ce génial framework de test (c.f. ippevent sur le sujet).
Jeudi : la claque Angular.js
La keynote Google qui ouvrait la journée ne m’a franchement pas emballé. Même si c’était sympa dans la forme, j’ai trouvé qu’elle était inadaptée car trop orientée marketing et produits. Et franchement une insulte à l’intelligence : parler de l’activité et des objectifs de Google sans évoquer Ad Words et les 97 % du chiffre d’affaires qu’il représente c’est, à mon avis, franchement malhonnête. Quand la partie technique a commencé à poindre le bout de son nez avec Dart, il ne restait plus qu’1 minute 30 pour la keynote.
J’ai ensuite rendez-vous avec les nouveautés de Bean Validation 1.1 par Emmanuel Bernard. Très technique et intéressant (surtout la partie sur JAX-RS) il a bien su montrer l’évolution du framework vers de nouvelles fonctions de Java EE : contrainte de base de données dans JPA ou de données récupérées par Web Service. Par ailleurs Emmanuel a bien illustré l’ouverture de certaines JSR en invitant les participants à donner leur feed back sur la spec dont son état actuel pour l’améliorer.
J’ai fait ensuite l’erreur d’assister à une autre conf Google sur OAuth 2.0 (sujet que je connais bien puisque c’est au coeur d’Agorava) qui était assez bien dans sa forme mais qui faisait l’impasse sur les enjeux de la gestion de l’identité sur Internet et sur le côté standard de OAuth puisqu’on y voyait que l’implémentation Google. Ça m’a permis de Tweeter que ma présentation désormais en ligne, fait une présentation de OAuth un peu plus complète et indépendante que celle que l’on venait de voir.
La grosse claque est arrivée plus tard dans l’après-midi d’une autre conf Google sur Angular.Js. Ça fait maintenant plus de deux ans que je sais qu’il faudra que je me mette sérieusement à Javascript mais je repousse cette échéance avec toujours de bonnes excuses. Les solutions que j’avais rapidement regardées comme backbone.js ne m’avaient pas vraiment convaincues, mais là avec Angular.js c’est le déclic. La conférence était parfaite tant sur le fond que la forme et les passerelles que j’ai entrevues avec mon expertise Java EE et JSF ont levé les dernières excuses que j’avais pour me mettre sur Javascript. C’est ça aussi l’effet Devoxx : être surpris là où on ne s’y attend pas.
Pour être cohérent je poursuis par une conf sur Javascript pour les développeurs Java. Un peu moins sexy, ce talk regorgeait néanmoins d’infos précieuses que je reprendrai à tête reposée.
Je finis la journée par un BoF sur JBoss AS et un dîner entre geeks, quand d’autres allaient en boîte au Nox.
Vendredi : c’est fini
Dur de décrire l’ambiance de vendredi matin où les stands des exposants sont déjà démontés et où on sent que la fin du salon approche à grand pas. J’ai néanmoins assisté à une présentation passionnante sur ElasticSearch qui m’a permis de voir l’évolution de l’outil NoSQL d’indexation depuis What’s Next en 2010, puis j’assistais à l’enregistrement des castcodeurs : un joyeux bordel plein de bonne humeur et de pizzas offertes par Atlassian. Dernière conférence pour finir avec la cerise sur le gâteau : un live coding par Adam Bien où je découvre l’Entity Boundary Control pattern et un certain nombres d’astuces pour améliorer ma productivité en Java EE.
Il est déjà 13h et Devoxx ferme ses portes. Un dernier déjeuner avec les gens du Paris Jug et quelques Duchess avant de prendre le train et de rentrer se reposer après cette semaine éreintante.
L’équipe des castcodeurs
Conclusion
Devoxx est un monde à part, qu’il est assez difficile de décrire si on n’y a jamais participé. J’espère cependant vous avoir donné un aperçu de l’existence fébrile et éphémère de cette conférence assez unique en son genre. Pour ma part j’écris ces lignes 72 heures après avoir quitté Anvers mais je continue à subir le contrecoup de cette semaine intense : le «Devoxx blues».